Sarcelles fait revivre le Pavillon Kennedy, mémoire vivante des grands ensembles

À l’occasion des 70 ans du Grand ensemble, la Ville de Sarcelles engage une ambitieuse réhabilitation du Pavillon Kennedy, véritable témoin de l’histoire urbaine, sociale et migratoire du territoire. Pensé comme un « pavillon de la terre et du patrimoine », il accueillera un musée numérique dédié aux grands ensembles et s’inscrira dans une dynamique de renouveau écologique et citoyenne.

Pourquoi ?

Construit au cœur du parc Kennedy dans les années 1960, le Pavillon Kennedy est l’œuvre de Jacques Henri-Labourdette, architecte emblématique du Grand ensemble de Sarcelles. Ce bâtiment jouait un rôle central : il servait de « maison du projet », un espace dédié à la présentation de la maquette de ce qui allait devenir l’un des premiers grands ensembles urbains de France. Lieu de démonstration, il accueillait les décideurs, les ministres, les bailleurs, la Caisse des Dépôts. Il incarnait l’ambition d’une modernité urbaine au service du logement pour tous.

Cette architecture moderniste, élégante, parfaitement intégrée au projet d’ensemble, était aussi stratégiquement située : au cœur du parc Kennedy, le grand poumon vert de Sarcelles. Symbole de l’espoir et du progrès, le pavillon était un jalon essentiel dans la construction d’une ville nouvelle.

Mais avec le temps, sa fonction s’éteint. Le Grand ensemble a vu le jour, les maquettes ne sont plus utiles. Le bâtiment est recyclé comme local social, notamment pour les Restos du cœur. Puis il se dégrade, brûle à la fin des années 1990 et tombe dans l’oubli. De « maison du projet », il devient un symbole de déshérence.

En 2019, lorsque Patrick Haddad accède à la mairie, le constat est clair : cette « verrue » urbaine empêche toute revitalisation du quartier. La Ville entreprend alors une véritable reconquête de l’espace public. « Le projet, c’est de se projeter dans l’avenir en renouant avec l’ambition du passé », affirme le maire. Il faut transformer ce lieu d’abandon en lieu de vie, recréer du lien entre les habitants, les mémoires et la ville de demain.

Comment ?

La première étape consiste à racheter le site. Le pavillon et le parc, construits initialement par une filiale de la Caisse des Dépôts, avaient été cédés à Val d’Oise Habitat. La municipalité engage les démarches pour en redevenir propriétaire. Ensuite, une concertation s’engage avec les architectes des bâtiments de France pour une restauration à l’identique, dans le respect des plans de l’époque.

L’enjeu est double :

  • Culturel et mémoriel : le pavillon devient le musée des Grands ensembles. En partenariat avec le Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI), il accueillera des expositions, des reconstitutions d’appartements, des objets du quotidien, des archives, mais aussi des mémoires filmées d’habitants. La version numérique permettra d’étendre l’expérience, avec un accès interactif aux collections dématérialisées.
  • Écologique et participatif : le parc Kennedy est réinvesti dans une dynamique de nature en ville. Le projet « Kennedy se met au vert », porté par l’association Invent’Erre, est un premier jalon. Il sera prolongé par une extension du pavillon dédiée à la distribution de produits issus de l’agriculture urbaine locale, dans le cadre du programme Quartiers Fertiles de l’ANRU. Ateliers maraîchers, projets avec les écoles et les centres de loisirs, animations en lien avec l’histoire maraîchère de Sarcelles enrichiront le site.

Le projet reçoit un accueil enthousiaste. Plus de 2 millions d’euros sont mobilisés, notamment grâce au Loto du patrimoine et à la Fondation TotalEnergies. Le chantier se déroule dans de bonnes conditions, avec une ouverture prévue à l’été 2025 pour la première phase.

Quel bilan ? 

Le projet du Pavillon Kennedy se distingue par sa capacité à réconcilier mémoire et avenir, patrimoine et innovation, nature et culture. Il incarne une nouvelle manière de penser la ville, inclusive, durable et fière de son histoire populaire.

« Ce n’est pas un musée sarcello-sarcellois, c’est un lieu ouvert sur toute la banlieue et bien au-delà », insiste Patrick Haddad. Il appelle les maires et les habitants des autres communes à contribuer à sa programmation, en apportant leurs archives, leurs récits, leurs idées.

Un pavillon tourné vers le futur, mais ancré dans la terre, les visages et les voix de Sarcelles.

Le projet en images

L’interview de Patrick Haddad, maire de Sarcelles

« Le projet, c’est de se projeter dans l’avenir en renouant avec l’ambition du passé »

Pourquoi avoir choisi de réhabiliter le Pavillon Kennedy ?

Ce bâtiment est un marqueur fort de l’histoire de Sarcelles. Il est le fruit d’une architecture pensée pour accompagner la transformation d’un territoire. Dans les années 60, alors que le Grand ensemble était en chantier, le pavillon accueillait les décideurs, exposait la maquette de la ville à venir. C’était une maison du projet, un symbole de la ville de demain. Mais avec les décennies, le bâtiment s’est détérioré, a perdu sa fonction, puis a été incendié. Il était devenu une verrue dans un parc de 4,5 hectares lui-même délaissé. La réhabilitation est une manière de redonner du sens à ce lieu, de réanimer un espace central de la ville.

Au-delà de l’aspect patrimonial, il y avait une impérieuse nécessité d’agir. Quand un espace est laissé à l’abandon, il perd sa fonction sociale. C’est tout un quartier qui se fragilise. Réhabiliter ce bâtiment, c’est aussi envoyer un message aux Sarcellois : leur ville mérite des lieux de qualité, pensés pour eux, porteurs d’histoire et de sens.

Pourquoi y implanter un musée des grands ensembles ?

Parce que ce lieu est né pour être un « démonstrateur ». Nous voulons le garder comme tel, mais en l’adaptant aux enjeux d’aujourd’hui. Ce musée ne parlera pas que de Sarcelles, mais des grands ensembles en général, de leur architecture, de leur histoire sociale et humaine. Le partenariat avec le Musée national de l’histoire de l’immigration nous permet d’y apporter une dimension scientifique et documentaire forte. Et surtout, les habitants seront impliqués : leurs archives, leurs photos, leurs témoignages feront partie du récit.

Nous allons aussi proposer des parcours immersifs, des dispositifs numériques adaptés aux jeunes générations, pour qu’ils s’approprient cette histoire. C’est une façon de les reconnecter à leur territoire, de leur montrer d’où ils viennent. Il y aura également des résidences d’artistes, des cycles de conférences, des expositions temporaires. Ce sera un lieu vivant, pas figé.

Quelle est la spécificité de l’histoire migratoire à Sarcelles ?

Sarcelles est une terre de peuplement. Avant les Minguettes, avant la Courneuve, il y a Sarcelles. D’abord les Bretons, les rapatriés d’Indochine, les pieds-noirs d’Algérie, puis les Maghrébins, les Subsahariens, les juifs séfarades. C’est une histoire complexe, mais riche. Il faut la raconter, car sinon on laisse place aux fantasmes. Et parce qu’elle est peu enseignée, nous voulons qu’elle soit accessible ici, localement, pour les jeunes, les écoles, les familles.

Notre objectif est aussi de montrer les liens entre les vagues migratoires et la construction de la ville. Chaque arrivée a laissé une empreinte, une culture, une manière d’habiter. Cette pluralité est une richesse. Le musée proposera aussi des focus sur les parcours de vie, les trajectoires de familles. On veut une mémoire incarnée.

Le pavillon sera aussi un lieu tourné vers la nature. Pourquoi ?

Parce que le parc Kennedy est un écrin vert trop peu utilisé. Et parce que l’histoire de Sarcelles, c’est aussi celle de terres maraîchères. Le projet Quartiers Fertiles de l’ANRU, les herbes aromatiques avec Invent’Erre, les ateliers pédagogiques : tout cela crée du lien. Ce sera un pavillon de la terre et du patrimoine, un lieu de transmission et de pratiques.

Nous voulons reconnecter les habitants à leur environnement, les sensibiliser à l’alimentation, à l’agriculture urbaine, aux circuits courts. Il y aura des temps d’atelier pour les enfants, des formations pour les adultes, des coopérations avec les acteurs locaux. Cela participe à créer une ville plus résiliente, plus durable.

Comment les habitants sont-ils impliqués ?

Dès le départ, nous avons voulu les associer. Nous avons lancé un appel à photos, à films, à documents d’archives. Nous recueillons aussi des témoignages filmés. Il est important que chacun puisse dire : « Moi aussi, j’ai fait Sarcelles ». Nous organisons des réunions publiques, des ateliers de médiation, des rencontres intergénérationnelles. Et demain, ils seront aussi les visiteurs, les guides, les passeurs de mémoire. C’est un projet co-construit, qui donne la parole à ceux qui l’ont trop rarement.

Quelles leçons tirez-vous de cette expérience ?

Une grande fierté collective. Le projet a été très bien accueilli. Nous avons obtenu plus de 2 millions d’euros sur les 2,2 nécessaires. Le chantier se passe bien, les habitants s’investissent. Et c’est un vrai message d’espoir : oui, on peut transformer un lieu délaissé en fierté partagée. Cela nous montre aussi que les projets qui font sens, qui prennent racine dans l’identité d’un territoire, trouvent des soutiens. Les partenaires publics, les fondations, les collectivités ont répondu présents. C’est une réussite collective qui peut inspirer d’autres villes.

Un mot pour les autres maires de banlieue ?

Ce pavillon est aussi le vôtre. Venez, participez, exposez. Ce sera un musée de la banlieue, de ceux qui l’ont faite et de ceux qui la vivent. Nous voulons en faire un espace commun, ouvert, créatif. Une source d’inspiration pour tous ceux qui pensent la ville autrement.

Je les invite à s’en emparer : en y envoyant leurs écoles, en proposant des échanges entre villes, en inscrivant leurs habitants dans la programmation. Ce pavillon peut devenir un lieu-passerelle, un carrefour d’histoires et d’initiatives. Parce que nos histoires sont différentes, mais elles se rejoignent souvent. C’est en les partageant qu’on construit de la fraternité urbaine.

 

Fiche d'identité de la communeLe projet en chiffresEn savoir plus
  • Nom : Sarcelles
  • Département : Val d’Oise
  • Région : Ile de France
  • Population : 58 424 habitants
  • Maire : Patrick Haddad
  • Site internet : Site de la ville
  • 1963-1964 : construction du Pavillon Kennedy, en plein cœur du Grand ensemble.
  • 4,5 hectares : superficie du parc Kennedy, poumon vert de Sarcelles.
  • 300 m² : surface du futur musée des grands ensembles.
  • 2,2 millions d’euros : coût total estimé du projet.
  • 2 millions d’euros : financements obtenus (Fondation du patrimoine, Loto du patrimoine, Fondation TotalEnergies, etc.).
  • 13 m² : surface d’espaces verts par habitant à Sarcelles.
  • 70 ans : anniversaire du Grand ensemble célébré en 2025.
  • 1 partenariat national : avec le Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI).
  • 1 projet ANRU : Quartiers Fertiles, pour la relance de l’agriculture urbaine.
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