Jets de projectiles, voitures brûlées, attaques au cocktail Molotov : la colère des jeunes de banlieue envers les forces de police est encore vive, une semaine après le viol présumé de Théo, à Aulnay-sous-Bois. Une trentaine de villes de la banlieue parisienne sont désormais concernées par ces violences urbaines nocturnes. Gilles Leproust, maire d’Allonnes (PC-FDG), est également le secrétaire général de l’association des « Maires villes et banlieue », il évoque ce lien dégradé entre les habitants des quartiers et la police.
Déjà, je tiens à redire que ce qui est arrivé à Théo est totalement inacceptable. Il n’y a pas de mot assez fort. Ensuite, il ne faut pas stigmatiser l’ensemble des forces de police qui, dans l’ensemble, font un travail remarquable avec des moyens réduits.
Maintenant, il est clair que cette affaire tend dégrader un peu plus la confiance qu’une partie de la population, notamment les plus jeunes, peut avoir en la police…
On a vu que des outils ont été mis en place ces derniers mois, comme les caméras-piétons ou le port du matricule obligatoire, pour limiter les risques de bavure…
Tout ce qui peut contribuer à remettre de la transparence sur les actes des uns et des autres est important.
Mais, ce que moi, je réclame comme maire d’une cité populaire, mais aussi au niveau de « Maires villes et banlieues », c’est un renforcement humain des effectifs de police afin de pouvoir relancer une police de proximité, capable de retisser du lien avec les citoyens de banlieue dans leur diversité.
La première chose qui vient lorsque les habitants et les commerçants me voient c’est : « Mais monsieur le maire, on ne voit plus de patrouille à pied ? ».
La police de proximité, demandée par plusieurs candidats à l’élection présidentielle, est donc pour vous la solution ?
Oui, c’est une évidence. On ne réglera pas des problèmes humains avec du matériel, comme c’est la mode en ce moment. Mettre de la vidéo partout ne ramène pas ce sentiment de sécurité…
Ensuite, au-delà de la police de proximité, il faut aussi que les policiers aient les moyens de travailler sur leurs enquêtes lorsqu’il y a des actes délictueux. Et dans les commissariats, je peux vous dire qu’ils sont au bout du rouleau, fatigués avec l’état d’urgence et les moyens qui ne suivent pas. C’est tendu.
C’est vrai aussi pour la justice, les juges croulent sous les dossiers… Je pense que nous avons vraiment besoin d’investir dans le service public et ce n’est pas en supprimant des centaines de milliers de postes de fonctionnaires, comme certains candidats nous l’annoncent, que les choses vont aller mieux. L’humain droit primer sur le reste.
Trouvez-vous justement que les candidats à la présidentielle sont suffisamment présents sur les questions liées à la politique de la ville ?
Il y a des choses positives qui ont été faites en politique de la ville comme la rénovation urbaine. Cela a changé nos quartiers et il faut continuer à investir mais désormais il y a un autre défi à relever : celui du chômage et de la précarité dans nos quartiers. C’est un cancer.
Nous, les élus de banlieue nous nous sentons parfois bien seuls, ou montrés du doigt. Certains disent que nous avons beaucoup de financement, oui mais la situation est vraiment désespérante parfois. Quand le taux de chômage atteint 30 ou 40% chez les jeunes, c’est catastrophique.
Là encore, il faut ramener du service public dans les quartiers, des associations et il faut que le droit commun soit beaucoup plus fortement fléché sur les quartiers prioritaires de la ville. Aujourd’hui, dans un département, on est incapable d’avoir, pour chaque délégation des ministères (éducation nationale, justice, etc.), un bilan réel de l’investissement dans les quartiers.
La politique de la ville n’est pas là pour colmater les baisses de dotations de l’ensemble de la politique nationale… c’est de cela dont souffrent aujourd’hui ces habitants.
Article lu sur :
– La Gazette des communes – du 14 février 2017