En mai 2019, la ville de Grande-Synthe met en œuvre le Minimum Social Garanti (MSG), voté en mars en Conseil municipal. Une aide personnalisée calculée en fonction de la composition du foyer et des revenus. Un coup de pouce destiné à hisser tous les grand-synthois au-dessus du seuil de pauvreté. Un bel objectif qui concerne aujourd’hui un administré sur cinq de la commune. Connue pour ses positions d’avant-garde sur la transition écologique, la municipalité de Grande-Synthe est convaincue que la révolution écologique doit aussi être sociale.
Pourquoi ?
La pauvreté est loin d’être une question anecdotique dans notre pays. Si la France est la 6e puissance au monde, 8,8 millions de français vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. A ce chiffre s’ajoute un changement de paradigme social : à présent, réussite scolaire et réussite sociale ne vont plus forcément de pair tandis que le plein emploi n’est plus. Pour la municipalité de Grande-Synthe, le MSG est une béquille temporaire et se veut aussi une simplification du système d’aides. En effet, d’après le rapport du Conseil Economique Social et Environnementale (CESE) de 2017, devant la polymorphie de la pauvreté, les dispositifs d’aide se sont multipliés et donc complexifiés : chaque minimum social fait l’objet de règles spécifiques concernant son montant, les ressources prises en compte pour le calcul des droits, la prise en compte ou non de la configuration du foyer ou encore les droits connexes associés. Une complexité pénalisante pour les bénéficiaires potentiels et qui conduit par exemple à 35% de non-recours au RSA. Enfin la multiplicité et le manque de clarté de ces aides favorise, toujours selon le CESE, l’érosion du consentement à la solidarité chez les contribuables.
Comment ?
L’ensemble des ressources de tous les membres du foyer est pris en compte pour calculer le droit au minimum social garanti (MSG). Celui-ci peut-être attribué pour un ou quelques mois, le temps que les bénéficiaires retrouvent une stabilité financière. Un contrôle étroit des dépenses est effectué mensuellement par un travailleur social au CCAS.
Le premier adulte du foyer représente une part, les autres adultes et enfants de plus de 14 ans représentent 0,5 part. Enfin les enfants de moins de 14 ans représentent chacun 0,3 parts. Le calcul du MSG attribuable est ensuite fort simple : on multiplie le nombre de parts du foyer par 855 euros (le montant maximum du MSG). Au chiffre obtenu on soustrait les revenus mensuels disponibles du foyer afin d’obtenir le montant du MSG qui peut être attribué au foyer.
Afin d’éviter aux bénéficiaires de connaître une aggravation de leur situation personnelle en attendant l’aide, celle-ci est versée dès le mois suivant la demande. La durée de versement est établie contractuellement entre le bénéficiaire et le CCAS qui effectue le versement.
Pour le financer, Damien Carême met en avant les économies réalisées sur la consommation d’énergie de Grande-Synthe faisant aller de pair écologie et solidarité : 500.000 euros d’économies existantes sur l’éclairage public, jusqu’à 800.000 euros économisés dès l’an prochain grâce à la rénovation et l’isolation des immeubles d’habitation ou encore en connectant les bâtiments de la ville au réseau de chaleur de l’usine ArcelorMittal toute proche. Des bonnes pratiques de développement durable de la commune qui permettront à terme le financement du MSG dont le coût est évalué à 1,4 millions d’euros en 2019 et 2 millions en 2020. A ce jour, c’est le conseil municipal qui a voté récemment une subvention exceptionnelle pour permettre au CCAS de verser cette forme de revenu dès le moi de mai.
Quelles perspectives ?
Alors que la Ville met en application ce mois-ci le minimum social garanti (MSG), une deuxième expérimentation est sur le point d’être lancée : le revenu de transition écologique (RTE). Il sera destiné à ceux qui souhaitent changer d’activité professionnelle afin d’être en accord avec les enjeux écologiques actuels et à venir et prendra conjointement la forme d’une aide financière et d’un accompagnement personnalisé.
La municipalité a signé en avril dernier une convention avec la Fondation ZOEIN qui soutient « des activités, des projets ou des organismes à but non-lucratif, en lien avec la protection de l’enfance, des femmes et de l’environnement ». Cette fondation va subventionner la première expérimentation grand-synthoise du revenu de transition écologique à hauteur de 30 000 euros.
MSG et RTE affirment ainsi le statut de ville en transition de Grande-Synthe.
Le projet en photos
Interview de Damien Carême, maire de Grande-Synthe
Avec le revenu minimum garanti, vous marchez dans les pas de votre père. D’après vous, les collectivités locales ont également un rôle fort à jouer dans la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités ?
Assurément. Aujourd’hui, plus que jamais, les villes sont en première ligne. Elles sont très souvent la première porte que l’on franchit. Et aussi la dernière. Dans cette lutte contre la pauvreté et la montée des inégalités, on a souvent, de loin, une impression d’impuissance et d’une certaine forme de fatalisme. Pourtant des marges de manœuvre existent et de nombreuses collectivités locales n’ont pas abdiqué car on n’a pas tout tenté contre ces fléaux. C’est le sens que prend le Minimum Social Garanti à Grande-Synthe. Faire des choix en faveur de nos concitoyens les plus fragilisés. Qui osera nous le reprocher ? Cela devrait donner des idées à l’Etat, au gouvernement, pour, à partir de ces expérimentations locales, généraliser des dispositifs pour enrayer ces fractures sociales.
Une ligne budgétaire doit être créée pour ce projet, comment la municipalité va-t-elle financer ce projet ?
Tout d’abord par des économies d’énergie réalisées grâce à nos investissements. Les factures de l’éclairage public seront beaucoup moins lourdes pour la ville avec 500 000 euros d’économies par an. La mise en place du réseau de chaleur à l’échelle de la communauté urbaine de Dunkerque permettra également d’autres économies, entre 150000 et 30000 euros par an. C’est énorme.
Enfin la mesure produira, elle-même, des effets nous permettant de baisser la subvention de fonctionnement du CCAS de l’ordre de 300000 par an. Cet argent nous l’affecterons à cette mesure sociale et innovante. Nous ferons aussi des choix. C’est tout le rôle et la fonction des politiques de prioriser. Le MSG est une mesure prioritaire. Absolument prioritaire.
Comment votre démarche globale de transition écologique, sociale, économique engagée à Grande-Synthe est-elle perçue par les habitants ?
C’est une démarche globale. La ville est pleinement entrée en Transition. Il ne s’agit pas d’une démarche qui toucherait uniquement, comme hier, l’environnement. Mais nous menons une politique cohérente sur la santé, l’alimentation, le cadre de vie, l’éducation, la culture, la politique sociale, la mobilité. Tout a été interrogé, tout a été analysé pendant ces dernières années pour construire une ville résiliente, apaisée et qui peut mieux vivre malgré les difficultés. Sans l’adhésion des habitants, tout cela aurait été impossible.
Les jardins partagés, la cantine 100% bio, la fabrique de l’autonomie, l’engagement associatif et citoyen, le renouvellement urbain, la préservation de la biodiversité, le revenu de transition écologique, le minimum social garanti… Tout cela est parfaitement complémentaire et participe à ce qu’est Grande-Synthe aujourd’hui : une ville dans laquelle la social-écologie s’est construite jusqu’à devenir incontournable !
- Commune : Grande-Synthe
- Département : Nord (59)
- Région : Hauts-de-France
- Population : 23 294 habitants
- Maire : Damien Carême (EELV)
- Site internet : www.ville-grande-synthe.fr
- 17,2 % des Grand-synthois concernés par la mesure
- Coût : 1,4 million d’euros en 2019 et 2 millions en 2020
- 855 euros mensuels : le maximum du MSG