Objet : Demande d’audience
Monsieur le Président de la République,
Le 3 août dernier, à la suite de la parution du décret du 20 juillet portant annulation de crédits du programme 147 du budget de l’État, une cinquantaine de maires et responsables d’exécutifs d’établissements de coopération intercommunale se sont adressés à vous pour vous faire part de leur vive inquiétude pour les quartiers populaires prioritaires au titre de la politique de la ville et vous prier d’intervenir auprès du gouvernement pour que celui-ci revienne sur « sa décision d’annulation de ces crédits indispensables à l’équilibre républicain des territoires ».
D’autres élus locaux se sont depuis joints à la démarche initiale. Ils sont aujourd’hui près de 90, représentants des territoires répartis sur 33 départements de 11 régions.
À la suite de cette adresse à votre endroit, Monsieur le Ministre de la Cohésion des territoires a certes annoncé, dans un communiqué de presse, que les crédits en question seront « sanctuarisés » pour l’année 2018. L’association des maires Ville & Banlieue de France, chargée par les maires initiateurs de la démarche engagée auprès de vous d’en assurer le suivi, a pu obtenir du cabinet de Monsieur le ministre une information selon laquelle cette « sanctuarisation » desdits crédits s’effectuera au montant initialement contractualisé dans le cadre des contrats de ville, c’est-à-dire avant l’annulation des crédits prévus pour 2017.
Il reste cependant à obtenir des réponses à deux questions d’importance majeure :
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quelles mesures seront prises pour « réparer » la situation créée par ce décret pour le présent exercice 2017, qui fragilise gravement des actions engagées par les partenaires associatifs des collectivités, sur la base des programmes annuels arrêtés par les comités de pilotages locaux ?
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est-il bien entendu que l’État tiendra son engagement contractualisé sur la période 2015-2020, c’est-à-dire la durée des contrats de ville, donc garantira la « sanctuarisation » des crédits pour les années ultérieures 2019 et 2020 ?
Près de deux mois se sont écoulés depuis que notre courrier vous a été adressé. Nous aurions d’autant plus apprécié que vous y apportiez une réponse manifestant l’intérêt que vous prêtez à, justement, « la cohésion des territoires » urbains fragiles où vivent plus de 5 millions de nos concitoyens, que, depuis lors, d’autres décisions non moins alarmantes pour l’action publique et associative locale sont intervenues : non reconduction des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE), obligation faite aux communes abritant des réseaux d’éducation prioritaire renforcé (REP+) de créer, sans appui financier de l’État, des salles de classes pour dédoubler les cours préparatoires des écoles élémentaires et d’en assurer le fonctionnement, fragilisation des organismes bailleurs sociaux suite aux annonces relatives à l’aide personnalisée au logement, etc.
Ces éléments prennent un caractère très préoccupant alors même que, comme toutes les collectivités, celles qui abritent des quartiers prioritaires vont devoir contribuer à la réduction du déficit public à hauteur de 13 nouveaux milliards d’euros, sans avoir obtenu quelque éclairage quant au devenir de la péréquation, des dotations de politique de la ville et de solidarité urbaine, du financement des nouveaux programme nationaux de rénovation urbaine (NPNRU), et de la compensation de l’abattement des taxes foncières pour les organismes d’HLM.
Et les inquiétudes des territoires urbains prioritaires sont d’autant plus vives que, malgré l’engagement qui a été exprimé par Messieurs les Ministre et Secrétaire d’État à la Cohésion des territoires à l’association des maires Ville & Banlieue de France, cette dernière se voit exclue de la Conférence nationale des territoires (CNT) au sein de laquelle elle devait, comme va pouvoir le faire pour les communes rurales l’association des maires ruraux de France, sensibiliser aux spécificités des sites urbains fragiles en amont du « contrat de confiance » que vous entendez établir avec les territoires.
En cette année de quarantième anniversaire de la politique de la ville, ce sont, pour l’instant, de bien mauvais signaux qui sont adressés aux millions d’habitants qui, plus que d’autres, méritent la considération qu’un État républicain juste, fraternel, solidaire et égalitaire, se doit de leur témoigner en partenariat avec les institutions locales et régionales.
Nous nous permettons donc de solliciter de votre haute bienveillance que vous receviez dans les meilleurs délais une délégation de notre association afin d’entendre les messages d’alerte qu’elle s’efforce de relayer, et son analyse partagée entre élus, de toutes régions et toute sensibilités, des enjeux majeurs des quartiers prioritaires urbains, et recevoir en retour les réponses que vous entendez que le gouvernement y apporte.
Je vous prie de recevoir Monsieur le Président de la République, au nom de tous les élus du bureau de l’association, l’assurance de ma haute considération.