La France, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, connaît une crise du logement sans précédent, dont l’appel de l’abbé Pierre en 1954 marque le paroxysme. Une action forte s’avère indispensable. C’est dans ce contexte que l’État français a entrepris, dès 1945, l’une des plus formidables expériences sociales et architecturales du XXe siècle: transformer un pays essentiellement rural en une nation urbaine résolument moderne – cela en bâtissant massivement, en périphérie des villes historiques. Si ces environnements suburbains d’Après-guerre, hérissés de tours, de barres et de mégastructures, sont souvent perçus comme le résultat anarchique d’un désintérêt politique, Kenny Cupers démontre que leur construction a, au contraire, été guidée par de ferventes ambitions et aspirations, notamment au sein de l’Administration.
Synthèse très documentée d’une vaste révolution urbaine, des bidonvilles de l’Après-guerre jusqu’aux villes nouvelles, ce livre relate et analyse trois décennies d’expérimentations au cœur desquelles était placé l’habitat, nouvel enjeu du modernisme, et établit une véritable généalogie de la banlieue française. Cette histoire détaillée des projets urbains de grande envergure menés par la France d’alors – et qui se sont révélés être une spécificité nationale – met au jour toute la complexité théorique, sociologique, administrative, etc., qui sous-tend la réalisation de ce «projet social». Cet ouvrage, servi par une iconographie riche et évocatrice, s’appuie en outre sur de précieuses archives de première main.
Universitaire américain formé à Harvard, Kenny Cupers enseigne l’histoire et la théorie de l’architecture à l’université suisse de Bâle. Spécialiste de l’Europe des XIXe et XXe siècles et de ses relations avec le monde transatlantique et l’Afrique post-coloniale, son travail se situe à l’intersection entre architecture, espace urbain et sciences sociales. Ainsi, l’un de ses principaux ouvrages (cosigné avec l’architecte allemand Markus Miessen) Spaces of Uncertainty : Berlin Revisited (Birkhäuser, 2017), explore-t-il la question de l’importance sociale, à Berlin, des espaces laissés à l’abandon. Son travail le plus récent, qui donnera lieu à un ouvrage collectif, est quant à lui consacré à l’architecture du néolibéralisme.
The Social Project: Housing Postwar France, publié en 2014 (Minnesota University Press), a été primé à plusieurs reprises. Chercheur très actif dans sa discipline, Kenny Cupers multiplie les publications, les conférences et les contributions à des ouvrages divers.
Pour en savoir plus : Editions Parenthèse – du 01 octobre 2018