Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé a installé, le 18 février dernier, le Comité d’orientation chargé de préparer l’extension du tiers payant à tous les patients à l’horizon 2017. Une réforme prioritaire pour les habitants des quartiers en difficulté… dont la mise en œuvre n’est pas encore acquise.
L’objectif de cette réforme est de permettre aux 16% de Français qui renoncent chaque année à se faire soigner de le faire désormais sans avoir à faire l’avance de leurs frais médicaux : une façon de rétablir dans leurs droits et leur dignité, nos concitoyens les plus vulnérables aujourd’hui contraints de sacrifier leur santé faute de moyens suffisants.
Dans ce contexte, la mission du Comité revient à « construire la feuille de route opérationnelle de cette réforme avec l’ensemble des parties prenantes : régimes d’assurance maladie, organismes complémentaires, syndicats de médecins…
Et la ministre a donné des directives pour la concertation qui s’ouvre : justice sociale, simplicité pour tous, garanties pour les médecins…
De premières décisions devraient ensuite être annoncées au printemps pour une mise en oeuvre rapide concernant les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire sante (ACS)… avant l’universalisation de la mesure inscrite à l’horizon 2017.
Sans connaître le sort de l’ « Obama care », l’initiative de Marisol Touraine en faveur du « tiers payant généralisé » pourrait rencontrer cependant de sérieux obstacles.
L’IGAS consultée en 2013 avait assorti son avis favorable d’un certain nombre de réserves, demandant « un dispositif permettant au patient de connaître les frais de soins qu’il suscite ».
De nombreuses questions demeurent : les médecins seront-ils payés par un seul organisme, comme ils le réclament, ou par deux, la « Sécurité sociale » et les complémentaires ? Comment seront pris en compte les risques financiers, si le médecin n’arrive pas à se faire payer parce que le patient n’était pas couvert ? Comment sera récupérée la franchise de 1 euro par consultation ?
Enfin, les médecins ne sont guère enthousiastes. Interrogés en janvier par l’IFOP pour Le Quotidien du médecin, 69 % des praticiens considéraient qu’il s’agissait « plutôt d’une mauvaise chose » et 60 % assuraient ne pas faire confiance à Mme Touraine pour mener à bien cette réforme.
Dans le détail, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) ne souhaite pas refuser pas le tiers payant aux patients en situation précaire tel que déjà défini dans la convention mais s’oppose à une généralisation « techniquement impraticable » tandis que les médecins libéraux craignent une mesure trop compliquée pour les praticiens confrontés à différentes caisses et plus de 400 régimes complémentaires. Enfin, le président de MG-France, pourtant défenseur du tiers-payant, rappelle que les généralistes, contrairement aux pharmaciens et aux radiologues qui l’appliquent déjà, n’ont pas de personnel pour se consacrer à la récupération des sommes dues.