Alors que les affaires contribuent largement à occulter les vrais sujets de la campagne, la maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) avance, dans une tribune au « Monde », une série de propositions pour permettre à « ce réservoir de jeunesse et d’ambitions » d’exprimer ses talents.
Alors que nous sommes à un mois et demi de l’élection présidentielle, force est de constater que les banlieues sont, une fois de plus, largement oubliées des débats, des programmes et des discours.
L’actualité récente ne facilite certes pas l’émergence des sujets de fond. Entre le « Penelope Gate », les emplois fictifs du Front national et les petits arrangements entre amis (de gauche comme de droite), les « scandales » ont massivement pris le contrôle de la campagne… Il ressort de cet emballement médiatique une image désastreuse de la politique et de ses représentants, qui détourne de facto les électeurs des urnes et de l’exercice de la citoyenneté.
Pendant ce temps, les problèmes d’emploi, de logement, d’environnement, de santé, d’éducation ou de sécurité restent dans l’ombre. Sans surprise, les quartiers prioritaires n’échappent pas à la mise à l’index, alors qu’ils apparaissent clairement comme les premières victimes de la crise économique et sociale.
Un simple coup d’œil sur les chiffres de l’Insee suffit à prendre conscience de la situation des QPV (Quartiers en politique de la ville, anciennement ZUS – Zone Urbaine Sensible) : un niveau de pauvreté trois fois supérieur à la moyenne nationale, un revenu moyen en baisse, un taux de chômage des jeunes qui explose (près de 45 % !)…
Colporteurs de haine
Cette ostracisation n’est pas un phénomène nouveau ; les quartiers populaires ont rarement fait battre le cœur des campagnes présidentielles. Il faut dire que la question des banlieues est un sujet complexe et politiquement risqué. Par ailleurs, nos habitants ne sont pas vraiment considérés comme des électeurs actifs…
Néanmoins, de temps à autre, quelques candidats émettent des déclarations d’intention à l’occasion d’un passage éclair en banlieue, quelques journalistes se concentrent sur les questions de fond dans la marée des clichés, quelques élus en appellent à la raison, contre les partisans des extrêmes et de la stigmatisation. Malheureusement, les micros se tournent plus souvent vers les colporteurs de haine que vers les porteurs d’une vision durable et apaisée de notre société : plus vers les discours populistes que vers les discours réalistes…
Et que dire des représentations négatives et sans nuances véhiculées par certains grands médias, dont de nombreuses communes (et à travers elles leurs habitants !) ont déjà fait les frais ? Il suffit de citer les noms d’Aulnay-sous-Bois, de Beaumont-sur-Oise, de Villiers-le-Bel ou de Clichy-sous-Bois, pour faire resurgir des images de quasi-guerre civile…
C’est un fait, l’intérêt d’une bonne partie de la presse (et de son public !) se fixe invariablement sur la partie la plus sombre de notre actualité, cristallisant des actes isolés en représentations absolues. Conséquence : les émeutes, la délinquance, les échecs scolaires, l’intégrisme religieux ou encore les affrontements avec les forces de l’ordre sont devenus les lieux communs d’une vision fantasmée de nos quartiers.
Potentiel d’énergie brute
Ces derniers recèlent pourtant un potentiel d’énergie brute pour notre pays ; un réservoir de jeunesse et d’ambitions ; un vivier de talents poussant en dehors des systèmes de « reproduction » traditionnels ; une communauté de femmes et d’hommes pratiquant quotidiennement la solidarité « active » ; un terrain profondément résilient et agile ; une diversité culturelle extraordinaire…
Il est temps de faire « table rase » des a priori négatifs et de nous concentrer sur les solutions de demain. Premièrement, mettons un terme à la « ghettoïsation » des quartiers prioritaires en favorisant la diversification et la répartition des différents types de logements sociaux (prêt locatif aidé d’intégration, prêt locatif à usage social et prêt locatif social) sur tout le territoire national.
Deuxièmement, portons la réussite scolaire dans les réseaux REP (réseau d’éducation prioritaire) et REP + (réseau d’éducation prioritaire renforcé) en incitant les professeurs expérimentés à venir y travailler et surtout, en favorisant la transversalité entre tous les acteurs du monde éducatif.
Troisièmement, redynamisons l’emploi des jeunes de banlieue en mobilisant avec plus de proximité et de réactivité tous les acteurs locaux (collectivités, Pole emploi, éducation nationale, entreprises, missions locales…) ; entérinons également la mise en place de parcours de formations fléchés en fonction des besoins des jeunes et des entreprises.
Donner sa chance à la France de demain
De l’environnement au logement en passant par la santé, la sécurité, la culture, la mobilité, la citoyenneté, ou la laïcité, le périmètre des réformes à mettre en œuvre dans nos banlieues est immense.
Nos territoires prioritaires rassemblent plus de 700 communes et près de 10 % de la population française. Il est donc parfaitement légitime d’attendre des propositions liées à la hauteur de l’enjeu. Profitons de l’élection présidentielle pour poser les bases d’un contrat social renouvelé et apaisé, permettant à notre communauté nationale d’être fière de son histoire mais aussi de sa diversité. La véracité de notre devise républicaine en dépend.
Hissons les quartiers au rang de grande cause nationale et donnons sa chance à la France de demain !
Par Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), 1ère vice-président de Ville & Banlieue
Tribune publiée dans Le Monde des idées le 29 mars 2017