Le 8 mars dernier, les 120 maires de l’association Ville et Banlieue présentaient leur engagement national pour les banlieues, un véritable programme pour des quartiers jusqu’alors absents de la présidentielle. 120 propositions, déclinées dans une dizaine de thèmes, comme l’éducation, la santé, la sécurité, le logement ou encore la laïcité et la solidarité financière.
L’association interpellait ainsi les 10 candidats à l’élection présidentielle sur un enjeu de société, avec la conviction que les banlieues sont une partie de la solution pour l’avenir de notre pays. Elle leur a ainsi demandé par courrier leur réaction à ces propositions, celles qu’ils considéraient comme essentielles, qu’ils seraient susceptibles de reprendre et de mettre en œuvre s’ils étaient élus le 6 mai prochain. Plus globalement, c’est leur vision de la problématique des banlieues, la place qu’ils leur donneraient dans leur gouvernement et leur politique globale que Ville et Banlieue a voulu connaître.
L’objectif était de connaître leur engagement personnel pour cette cause. Voici leurs réponses:
[toggle_box] [toggle_item title= »Nicolas SARKOZY » active= »false »] Courrier N. Sarkozy 1ère partie Courrier N. Sarkozy 2ème partie [/toggle_item] [toggle_item title= »François HOLLANDE » active= »false »] Courrier F. Hollande[/toggle_item] [/toggle_box] [toggle_box][toggle_item title= »Nicolas DUPONT-AIGNAN » active= »false »]Rappelant qu’il était le « seul maire candidat à l’élection présidentielle », étant ainsi « d’autant plus conscient des efforts à apporter aux banlieues », Nicolas Dupont-Aignan a mis en avant, pêle-mêle, plusieurs problématiques qui lui semblent essentielles, sans nécessairement évoquer à chaque fois ses propositions pour y répondre :
– Transports : « amélioration des conditions de transport »,
– Sécurité : « renforcement des effectifs de police »,
– Rénovation urbaine : « vivre dignement »,
– Développement économique : « refus d’une Union Européenne libérale-déloyale qui délocalise nos entreprises et permet des déserts économiques »
– Emploi : « la volonté de trouver des solutions au chômage qui explose dans certains quartiers », y voyant avant tout un problème de formation puisqu’il s’alarme que « jusqu’à 80% de jeunes soient sans aucuns diplômes dans certaines villes ! »
– Ecole : « le renforcement de l’Education nationale, premier intégrateur national pour réaffirmer nos valeurs républicaines et apprendre le « vivre ensemble » fraternel »
– Sport et Culture : « primordiales et facteurs intégrateurs », proposant de « mettre en avant les initiatives des associations, créer des salles sportives, de spectacles près des quartiers pour les désenclaver », l’une des propositions de l’association qui souhaite des équipements structurels d’envergure régionale et nationale spécifiquement dans ces quartiers.
C’est en s’attaquant à ces problématiques que NDA pense que « nous serons capables de mettre fin aux ghettos non voulus où la misère sociale et identitaire s’accroît ».
Indiquant qu’il « n’aime pas les effets d’annonce et d’affichage », NDA précise que « les banlieues font bien parties de mon programme mais au même titre que l’ensemble des autres territoires de la Républiques, urbains et ruraux ».
Il conclut en précisant que la politique de la ville trouve sa place dans « une nécessaire politique d’aménagement du territoire revigorée ».
[/toggle_item] [toggle_box] [toggle_item title= »Eva JOLY » active= »false »]Dénonçant « l’Etat qui a progressivement abandonné ces territoires, multipliant les économies sur le dos de populations et de collectivités déjà privées de tout », Eva Joly introduit sa réponse à Ville et Banlieue en indiquant qu’elle « ne considère pas les banlieues comme un problème pour la France, mais comme une partie de la solution. ».
Sa première préoccupation sera « la création d’un Grand ministère de la ville, des transports et de l’égalité territoriale », reprenant ainsi pour partie la première des 120 propositions de l’association, sur la création d’un ministère pour l’égalité des territoires et la cohésion sociale, à laquelle elle donne une orientation urbaine et une priorité au désenclavement et à la mobilité. Comme pour Ville et Banlieue qui souhaite un ministère d’Etat qui puisse mobiliser l’ensemble des grands ministères dans les quartiers, la candidate souhaite que ce grand ministère ait « pour mission de sonner le grand retour des enseignants, des personnels de santé, des policiers de proximité et des travailleurs sociaux dans les quartiers ».
Constatant que le tout rénovation se sera souvent fait aux dépends du volet humain, elle propose que pour un euro dans l’ANRU, il y est un euro pour le « mieux vivre », pour « développer les services de proximité, les petits commerces, mais aussi les associations et les nouveaux modèles de développement comme l’économie sociale et solidaire ». « Pour financer ces mesures, un grand effort de solidarité sera possible grâce à la création d’un Fonds National de Péréquation Urbaine. Celui-ci permettra de faire de la banlieue la zone prioritaire pour toutes les politiques des écologistes ».
Première problématique abordée, dans l’ordre des problématiques exposées par l’association dans ses 120 propositions : l’éducation, pour laquelle Eva Joly propose « l’embauche de 20.000 enseignants supplémentaires d’ici 2017 », prioritairement dans les quartiers, pour stopper « l’hémorragie éducative » qui conduit 150 000 enfants chaque année à sortir du système éducatif sans diplôme. Pour les jeunes enfants, elle propose « la mise en place d’un service de la petite enfance », ainsi que « la construction de 400.000 places d’accueil supplémentaires en crèche », prioritairement aussi dans ces quartiers. Enfin, elle souhaite « un véritable service public de l’enseignement supérieur ».
Eva Joly évoque ensuite la santé, et « pour mettre fin aux déserts médicaux », elle soutient « la création de centres de santé sur tout le territoire ». Elle reprend également la proposition de Ville et Banlieue, consistant à ce que « chaque étudiant en médecine effectue un stage obligatoire dans un cabinet situé dans un désert médical ». Elle souhaite également un soutien accru aux associations, et défend le droit à l’avortement et les plannings familiaux.
Sur le logement, Eva Joly énumère ses propositions, identiques à celles de Ville et Banlieue : augmentation des crédits de l’ANAH pour éradiquer l’habitat indigne, recours systématique de la loi de réquisition, limitation à 10% des PLS dans les constructions de logements sociaux, renforcement de la loi SRU et des pénalités financières, redistribution en faveur des maires bâtisseurs, mise à disposition des terrains de l’Etat et des entreprises publiques pour faciliter la construction massive de logements, notamment sociaux et très sociaux.
Sur l’emploi, tout comme l’association, la candidate souhaite que « chaque jeune puisse bénéficier d’un suivi et d’une aide à l’orientation et à l’insertion, mais aussi à la création d’entreprise ». Constatant « l’effort louable » mais pas suffisant des ZFU, elle propose de faciliter les démarches administratives, de soutenir financièrement les entreprises, les associations et les coopératives, et de mettre l’expertise publique au service des acteurs locaux et des citoyens, notamment en vue de la reconversion écologique. Elle soutient également la nécessité d’un désenclavement physique de ces quartiers par le développement des transports en commun, condition essentielle pour Ville et Banlieue.
Sur la solidarité financière, Eva Joly reprend l’idée d’un « nouveau pacte financier » qui devra selon elle « rendre l’autonomie financière aux collectivités », en questionnant l’actualisation des valeurs locatives et la prise en compte du revenu des ménages. Elle propose également d’amplifier les mécanismes de péréquation actuels par « le doublement Fonds de Péréquation Intercommunale et Communale, tout en s’assurant que son articulation avec le Fonds de Solidarité de la Région Île-de-France ne pénalise pas les communes franciliennes par une double contribution de péréquation ». Elle rejoint sur tous ces points les propositions de l’association. Enfin, elle propose « de modifier le fonctionnement des commissions départementales de coopération intercommunale pour faire valoir les territoires de projet et l’intérêt général de leurs habitants ».
Sur la sécurité, Eva Joly soutient l’association qui souhaite « renforcer la présence humaine dans les quartiers difficiles, avec le rétablissement de forces de police de proximité », « mettre l’accent sur la médiation et mettre enfin des moyens conséquents dans la prévention des délits ». Elle appelle à ce que la justice fasse son travail, et adhère à la perspective d’un débat demandé par Ville et Banlieue « entre représentants des médias et des banlieues, tout à fait opportun au regard de l’effet dévastateur du traitement médiatique des quartiers en difficulté ».
Sur la laïcité, Eva Joly réclame plus de justice entre citoyens, par certaines mesures peu détaillées comme « l’anonymat des demandes » ou des « sanctions ».
Sur le développement durable, qu’elle considère comme intimement lié à la question de l’emploi, la candidate propose comme l’association que les banlieues accueillent prioritairement « l’industrie de demain », « en implantant des centres de formations et des antennes d’enseignement supérieur orientés vers les métiers de demain, comme les énergies vertes ou l’isolation des bâtiments ». Elle appelle également à ce que l’ANRU soit exemplaire en matière, pour répondre à l’enjeu de la précarité énergétique.
Constatant que « le sport représente moins de 1% du budget de l’Etat et souffre de nombreux maux : faible démocratisation, dopage dans le sport amateur, faible mise en perspective avec la santé », Eva Joly souhaite une nouvelle politique du sport, qui « reconnaisse le rôle de chacun des acteurs institutionnels et associatifs ». Elle préconise « la création d’un schéma national du sport à l’échelle nationale, la reconnaissance du sport comme élément de santé publique, la construction d’équipements pour les zones denses et sous-équipées ».
Sur la culture enfin, Eva Joly entend « promouvoir la diversité et l’accès du plus grand nombre à la culture, en rééquilibrant les dotations entre grandes institutions et petits centres culturels ». Elle souhaite associer les artistes aux projets. Elle annonce qu’elle « inscrira la culture comme clause de compétences obligatoire pour les intercommunalités ». Et soutient la proposition de l’association d’implanter de grands équipements culturels dans les quartiers et d’y relocaliser les grandes institutions culturelles.
Courrier Eva JOLY [/toggle_item] [toggle_item title= »Jean-Luc MELENCHON » active= »false »]Pour Jean-Luc Mélenchon, les 120 propositions de Ville et Banlieue constituent « un acquis notable pour le débat républicain ». Refusant que les habitants de ces quartiers soient « décrits comme sources de nombreux maux de notre société », il assure que les habitants des quartiers populaires « en sont en réalité les principales victimes ».
JLM dénonce « une pseudo « Politique de la ville », en perpétuelle diminution depuis sa création, il y a trente ans, aujourd’hui substituée aux politiques de droit commun ». Au lieu de combattre les inégalités sociales et spatiales, le candidat considère « qu’elle les conforte ». Concluant « qu’ainsi, se cristallisent des territoires d’exclusion cumulant des handicaps ».
Pour JLM, la politique des banlieues est à repenser dans la question urbaine plus globale : « il n’est pas possible d’ouvrir une alternative aux inégalités et aux discriminations sans changer la ville ». Il « fait de la question urbaine et des territoires un objectif et un levier d’une politique de transformation sociale ».
A la situation des quartiers populaires, le candidat met en regard ces communes qui « deviennent des « ghettos de riches », refusent du logement social en payant une amende ridicule, et sont largement pourvues en équipements publics et privés, très bien desservies en transports en commun et multiplient les dispositifs sécuritaires ».
Donnant acte aux opérations de transformation urbaine, JLM indique cependant que sa « position repose sur la nécessité de ruptures par rapport aux politiques passées ». Et de militer pour le retour des politiques de droit commun, principe fondamental pour les maires de l’association : « c’est l’ensemble du programme partagé offre une réponse aux difficultés sociales vécues par les habitants : le partage des richesses, le développement des services publics, une nouvelle politique économique réfutant l’austérité et privilégiant l’emploi et le pouvoir d’achat, la construction de 200 000 logements par an dont une proportion importante de logements sociaux, un nouveau projet éducatif, la lutte contre les discriminations ».
Cependant, constatant l’urgence de la situation, JLM reconnaît la nécessité d’une politique spécifique « de réparation ou de rattrapage ». Il préconise donc un programme national de solidarité territoriale concernant tout à la fois l’humain et l’urbain, programme qui repose sur 4 principes directeurs :
1. Changer de vision : en finir avec la stigmatisation par la fin des zonages, du tout rénovation, et des politiques prioritairement sécuritaires.
2. Reconnaitre aux couches populaires leurs capacités à construire une alternative politique : soulignant « la créativité, par exemple dans le mouvement associatif, en particulier les jeunes », JLM appelle à « donner à tous les moyens de s’organiser pour participer activement à leur construction », rejoignant en cela le principe d’une démocratie plus exigeante formulée par l’association. Et de d’insister sur l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations, le respect de la loi de 1905 sur la laïcité, et le droit de vote des résident-e-s étranger-e-s.
3. Promouvoir une nouvelle politique urbaine : JLM prône l’échange humain, la culture émancipatrice, la maîtrise de la croissance urbaine par un aménagement du territoire avec une planification écologique, un foncier devenu bien public par la municipalisation des sols et l’encadrement du droit de propriété lorsque l’intérêt général est en jeu. Il se dit comme l’association pour des projets fortement intégrés, « dans ses dimensions spatiales et temporelles, sociales, économiques, environnementales et culturelles ». Soutenant que « les populations les plus modestes ont droit à un habitat de qualité », JLM conclut que « ce qui est posé, c’est la question du droit à la ville de qualité pour tous ».
4. Innover pour valoriser les savoirs citoyens : comme le pense fortement l’association, JLM soutient que c’est dans ces quartiers qu’il faut innover, « pour permettre aux habitants et aux travailleurs urbains de changer la vie et changer la ville :
– Innover dans les services publics, en particulier l’éducation et la santé
– Innover dans le logement et l’urbanisme
– Innover dans les solutions relatives à la sécurité publique
– Innover dans l’organisation de la gestion des résidences et des territoires
– Innover dans la participation aux décisions d’urbanisme et de gestion urbaine. »
Constatant la « terrible souffrance » de la jeunesse des quartiers, JLM met également en avant son investissement dans les associations, sa « solidarité avec les peuples du monde », sa contribution à l’émergence d’une culture urbaine et de pratiques sportives nouvelles, même si « elles sont parfois dictées par la pénurie d’espaces appropriés à leurs pratiques ».
Comme l’association, le candidat porte « l’exigence que la future politique de la ville menée par l’État soit véritablement une coproduction, habitants, associations, élus et État et qu’elle ajoute à ses thématiques habituelles le sport et la culture ». Ce qui suggère selon lui que la fin des démolitions dans la rénovation urbaine permette de « donner du temps au diagnostic et au débat avec les habitants ». Rejoignant le souci de Ville et Banlieue d’une politique territorialisée, personnalisée, concertée, JLM indique que le programme national de rénovation urbaine, « décliné localement », « doit faire l’objet – du local au national – d’une mise au point discutée avec les associations d’élus, les associations d’habitants, ceux qui œuvrent en faveur des quartiers populaires (des bailleurs sociaux, travailleurs de terrain, milieux économiques, syndicats) ». Et d’en appeler à « l’humain d’abord ! ».
En matière de gouvernance, JLM annonce la suppression du ministère de la Ville, « parce que jusqu’ici c’était le ministère du marquage social des quartiers populaires et du saupoudrage ». Il souhaite la création d’un grand ministère d’État de la Cohésion territoriale et de l’Urbain, incluant notamment le logement, l’urbanisme, l’aménagement du territoire et les transports, et rattaché au Premier Ministre. Une conception très proche de celle de Ville et Banlieue : ce ministère « traitera de manière horizontale en relation avec les autres ministères de questions territorialisées liées à l’emploi, à l’éducation, à la culture, à la tranquillité publique, à la santé, aux discriminations… Sa mission prioritaire portera sur une politique de réduction des inégalités sociales et territoriales, en faveur des territoires en difficultés : banlieues, territoires ruraux, territoires ultra-marins… A l’intérieur de ce ministère, des délégués interministériels veilleront spécifiquement à chacun de ces territoires (un délégué à la ville pour les banlieues) ».
Militant pour une forte déconcentration des actions conduites, JLM reprend mot pour mot la volonté de l’association de conforter le maire comme cheville ouvrière de la politique de la ville et de sortir de la logique descendante d’appel à projets pour une logique de projet territorial intégré : « au pilotage transversal assuré par le ministre d’État au niveau national, répond un pilotage contractualisé entre le préfet et le maire au niveau local en partenariat avec les intercommunalités, les Départements et les Régions. Le maire coordonne les actions portées par l’ensemble des acteurs sur le quartier. C’est seulement ainsi que l’on sortira de la logique descendante d’appel à projet pour définir des projets de territoires communs et partagés, entre tous les acteurs : État, collectivités, associations, entreprises, habitants ».
Enfin, JLM retient également deux expérimentations étrangères :
– Les groupes coopératifs de territoire qui mobilisent en faveur d’un projet intégré des professionnels de métiers et de statuts différents rattachés à des institutions diverses ;
– Les Unions territoriales de solidarité dont la mission est d’accompagner de manière active les projets de territoire.
JLM conclut en soulignant qu’il « partage la plupart des propositions de votre association pour « faire des quartiers une priorité nationale« .
Courrier JL MELENCHON [/toggle_item] [/toggle_box]