Si la référence au délégué du gouvernement a disparu de l’article 34 du projet de loi Égalité et Citoyenneté -cet article touchant aux conseils citoyens, dont nous contestons la logique avec nos partenaires de France urbaine et de l’AMF- l’expérimentation décidée par le Gouvernement au lendemain du CIEC du 26 octobre dernier n’est pas morte. Au contraire, le ministre de la ville et sa secrétaire d’État ont réuni et installé le 20 juin, 11 des 12 « délégués du gouvernement », sélectionnés voici quelques semaines pour leur « dévouement » et leur « sens aigu du service public ». Retour sur la création d’une nouvelle fonction au sein de l’État censée incarner et faciliter « La République en actes » dans les quartiers de la politique de la ville.
Plus encore que celui de mars 2015, le Conseil interministériel du 26 octobre avait pris acte du « décrochage » de certains quartiers et de leur dérive possible vers la radicalité djihadiste, sous les effets conjugués de la paupérisation et du chômage, de la ségrégation urbaine et sociale, de la concentration des difficultés vécues au quotidien par les habitants, du sentiment d’abandon et du communautarisme promu au rang de référence ultime.
Retour de l’État dans les quartiers les plus en difficulté. Face à cette dérive, l’action de l’État apparaissait à la fois très faible en ressources humaines et en moyens financiers, trop complexe dans ses procédures, trop peu coordonnée et surtout trop déconnectée des préoccupations immédiates des habitants des quartiers. La nomination de « délégués du gouvernement » entend redonner sens à la solidarité nationale que l’État prétend apporter aux quartiers qu’il a lui-même désignés comme « prioritaires » ; matérialiser l’engagement et la présence de l’État « en proximité », aux côtés des habitants et des acteurs de terrain dans ces quartiers réputés connaître davantage de difficultés.
Coordination et partenariat. Selon l’instruction donnée aux préfets par le Premier ministre en mars dernier, les délégués du gouvernement devront « mobiliser de façon coordonnée l’ensemble des dispositifs d’appui au développement des quartiers et à l’amélioration du cadre de vie des habitants ». Ils interviendront sous la coordination nationale de Sylvie Feucher, ancienne préfète déléguée pour l’égalité des chances dans le Val-d’Oise, sous l’autorité du préfet de leur département (le cas échéant celle du préfet délégué à l’égalité des chances), en lien avec le sous-préfet chargé de la politique de la ville (à qui ils devront rendre compte de leurs contacts avec les élus), en appui des services déconcentrés de l’État et en coordination avec les instances de pilotage du contrat de ville. Ils s’appuieront sur les délégués du préfet pour mener à bien leur mission. En résumé, en managers de l’action publique de proximité, ils devront savoir « tisser des liens avec l’ensemble des partenaires et avec les habitants du quartier ».
Pour une efficacité visible au service des habitants. Les délégués du gouvernement devront apporter la preuve que l’action de l’État s’exerce d’abord au nom de la justice sociale et de la solidarité, au bénéfice direct des habitants des QPV et que cette priorité prime sur toutes les autres considérations administratives. Pour éviter la dispersion des forces et le saupoudrage des moyens, les délégués devront choisir 2 ou 3 priorités maximum, en fonction des spécificités du territoire et de l’état des lieux qu’ils auront pu dresser à leur arrivée. Parmi les sujets prioritaires possibles évoquées dans l’instruction du Premier ministre : l’éducation, l’accompagnement personnalisé vers l’emploi, la mixité sociale dans le logement, l’accès aux soins, l’accès aux droits des plus démunis.
Prévention de la radicalisation. Enfin -corollaire obligé compte tenu de la situation ayant présidé à leur nomination- les délégués du gouvernement devront apporter une vigilance particulière au repérage des dérives sectaires et à la prévention de la radicalisation dans ces quartiers.
Nous, les élus locaux de Ville & Banlieue, premiers représentants et premiers interlocuteurs des habitants des quartiers concernés, serons pour notre part, attentifs aux liens qu’ils développeront avec nous et avec nos services sur le terrain : s’agissant du signalement d’éventuelles dérives djihadistes, des dysfonctionnements identifiés par les conseils citoyens et des réponses à y apporter, à travers une action effectivement partenariale et coordonnée de l’action publique.
Référence :
– Instruction relative à la mise en place de délégués du Gouvernement du 11 mars 2016