Edito de Philippe Rio, maire de Grigny 91
« Communautarisées », « dangereuses », « mal entretenues »… tels sont les qualificatifs attribués aux banlieues dans le sondage Odoxa – Le Parisien d’octobre 2019.
Une mauvaise réputation loin d’être anecdotique. Près des trois-quart des Français ont une image négative des banlieues. Ce désamour nous colle à la peau. Tous nos efforts patiemment fournis durant des années pour inverser la tendance peuvent être balayés d’un trait par un fait divers. Incendie d’un bâtiment, rixe entre jeunes ou agression violente dans un quartier estampillé sensible et l’information inonde réseaux sociaux et médias. Les chaînes d’information en continu sautent sur l’occasion pour meubler leur antenne avec un énième débat sur la violence ou le malaise des banlieues. La fachosphère et ses éditorialiste pyromanes qui se déchaînent au moindre événement portent une responsabilité importante dans la fabrique de cette défiance. Il en est de cette réputation comme de notre quotidien, nous écopons la mer avec une petite cuillère.
Cependant, à contre courant de ce rouleau compresseur, d’autres musiques se font entendre, notamment, celle de notre association qui mène la bataille. Le thème de l’image des quartiers a été débattue lors d’une journée organisée à Evreux en mars dernier en présence d’élus, de journalistes et d’acteurs de la communication. Un annuaire des quartiers populaires est en cours d’élaboration en partenariat avec BFM.
Citons également la création de l’@gence² qui veut diffuser une information différente sur les banlieues et propose à des jeunes issus de nos quartiers de se former aux métiers de la communication. Cela bouge aussi dans le champ culturel. L’exposition Trésors de banlieue qui a réuni 260 œuvres a rencontré un joli succès. Refusé par les grandes chaînes, le film les banlieusards de Kéry James cartonne sur une plate-forme internet. L’humoriste Ines Reg qui a fait le buzz avec son sketch « Des paillettes dans ma vie, Kevin » rappelle à chaque occasion son appartenance à la banlieue.
La créativité culturelle bouillonnante dans nos quartiers est un levier essentiel pour nous émanciper de cette assignation aussi bien à une identité dépréciée qu’à une position victimaire. Pour la première fois dans notre histoire, c’est un film sur la banlieue française, -« Les misérables »-, réalisé par Ladji Ly, qui va représenter la France aux Oscars. Décrocher un prix prestigieux ne suffira sans doute pas à changer profondément le regard sur nos banlieues et leurs habitants mais il leur apportera la dignité.
Le besoin de réconciliation nationale est gigantesque pour passer de la défiance à la confiance.