Virage à 180° pour la politique nationale du sport ?

Après quelques signaux d’alerte, les orientations du PLF 2015 pourraient préfigurer un revirement spectaculaire de la politique sportive de l’Etat. Au détriment du sport pour tous ?

Rappelons-le : le Centre national de développement du sport (CNDS) est le bras armé du ministère des Sports s’agissant de l’aide à la réalisation d’équipements sportifs dans notre pays. En cela, il contribue « au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre » en facilitant le développement d’infrastructures sportives sur l’ensemble du territoire. Pour ce faire, le CNDS examinait chaque année, par le biais d’un Comité de programmation, des centaines de dossiers de collectivités désireuses d’accroître ou d’améliorer leurs équipements. A titre d’exemple, il avait l’an dernier attribué près de 70 millions d’euros à 185 projets de construction ou de rénovation d’équipements sportifs.
Or, les orientations dévoilées ces derniers jours semblent remettre en cause et les principes et les moyens d’une telle politique.

Coupes budgétaires drastiques. C’est d’abord le budget du CNDS qui semble visé par les dernières annonces : une baisse de crédits de 41 millions d’euros sur son prochain budget triennal, et une coupe de 15 millions d’euros dans l’enveloppe réservée aux subventions d’équipements lors de la session d’automne (ainsi ramenée de 25 à 10 m€).

Révision du mode d’attribution des subventions. Après le budget, c’est la formule même qui serait remise en cause : car la mobilisation des services déconcentrés du Ministère des Sports (les DRCJS) pour l’instruction des dossiers – pourtant garante de la prise en compte des logiques, des besoins et des politiques locales – est jugée trop onéreuse. L’heure serait désormais à « une politique contractuelle » par laquelle l’Etat lancerait des appels à projets correspondant à ses intérêts, partagés avec le mouvement sportif et les élus. Une formule qui inquiète plus qu’elle ne rassure.

Les régions possibles chefs de file, mais pour quelle ambition ? La question est en effet de savoir avec qui l’Etat partagera demain ses priorités et sera en mesure de contractualiser. Et si les Régions paraissent l’interlocuteur désigné pour cette mission, l’hypothèse inquiète les collectivités qui – dans un contexte de grande incertitude institutionnelle et budgétaire – se préoccupent avant tout du sport pour tous et du sport de proximité. Même si Pascal Bonnetain, président la Commission « Sport » de l’Association des Régions de France et président de la Commission « Egalité des territoires » du Conseil national du sport (CNS), se veut rassurant à cet égard, la programmation d’équipements structurants au sein de schémas régionaux d’équipements sportifs pourrait en effet s’affranchir rapidement de la demande des agglomérations et des villes, comme des clubs sportifs et des pratiquants de toutes disciplines… pour ne répondre qu’aux objectifs de programmation communs à l’Etat et aux fédérations liés à l’agenda des manifestations internationales.

Priorité désormais aux équipements-phares du haut niveau et des compétitions internationales ? S’il est certain que notre pays accuse certains retards en matière d’équipements sportifs structurants, retards pouvant pénaliser l’organisation de manifestations sportives de dimension internationale dans certaines disciplines, il n’est pas moins vrai que le débat existe désormais parmi les collectivités, sur l’intérêt et la viabilité de leur réalisation. Combien avaient refusé de se positionner pour l’accueil de matchs de l’Euro 2016 ? Combien ont renoncé à la construction d’arenas ? Il est clair que dans un contexte budgétaire très tendu, bien des collectivités feront le choix de la modernisation des équipements de moindre rayonnement, et opteront pour le sport local, le sport populaire et le sport du bien-être au lieu d’investir massivement dans de grands équipements dont la viabilité à long terme s’annonce plus qu’incertaine.

Ainsi, si Denis Masseglia, président du CNOSF (Comité national olympique et sportif français) est bien dans son rôle en défendant des orientations compatibles avec la candidature de la France aux Jeux olympiques de 2024, la plupart des maires réagissent comme Jacques Thouroude, président de l’ANDES (Association des élus en charge du sport), et craignent désormais de voir les subventions du CNDS aux associations locales (maintenues à 132 millions d’euros pour les trois ans à venir) s’effondrer ensuite au profit de ces « grands équipements structurants » .

Ville & Banlieue réclame depuis longtemps que les crédits du CNDS soient prioritairement affectés au rattrapage des communes de banlieue en matière d’équipements sportifs, mais aussi de formation et d’encadrement sportif (proposition n° 105 de nos 120 propositions), ne peut que partager ces craintes.

« Une erreur majeure qu’il est encore temps de ne pas commettre ». Dans un article publié sur son site internet, Valérie Fourneyron, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports, demande elle aussi que ces nouvelles orientations soient reconsidérées. Tout d’abord, rappelle la nouvelle députée de Seine-Maritime, « L’article R. 411-2 du Code du sport stipule que le CNDS contribue au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre. Ne lui enlevons pas cette vocation, ne cantonnons pas la politique sportive aux seules grandes compétitions sportives ». D’autre part, il est vain, argumente-t-elle, d’opposer équipements structurants et équipements de proximité parce qu’à l’échelle locale, un équipement de proximité a souvent une vocation structurante. Enfin, à ceux qui objectent que les moyens du CNDS sont eux-mêmes très limités, elle répond que « sans le soutien de l’Etat, même minimal, des collectivités territoriales renonceront à leurs équipements… Et que « ce n’est pas le montant de la subvention qui importe : c’est le fait qu’elle déclenche une décision d’investir, qu’elle amorce un mouvement ».

 

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