François Chérèque a remis au Premier ministre, le 23 janvier 2014, son rapport d’étape sur le déploiement du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté.
Dans un contexte social plus difficile que jamais, le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, lancé voici un an, connaît un déploiement « globalement satisfaisant ». Mais certaines mesures ont pris un peu de retard, tandis que d’autres nécessitent des mesures ou des arbitrages complémentaires. Et il est encore tôt pour juger de ses résultats globaux. Tel est, en substance, le message de François Chérèque, chargé de son suivi, dans le rapport qu’il vient de remettre jeudi 23 janvier à Jean-Marc Ayrault.
Dans un contexte en forte dégradation, des ambitions mesurées
En 2011, 8,7 millions de personnes, soit 14,3 % de la population, vivaient en dessous du seuil de pauvreté (977€ mensuels), soit une augmentation de 0,3 point sur un an (sources INSEE). Orienté à la hausse depuis 2004, ce taux se situe au plus haut niveau depuis 1997. Du côté des « victimes », la pauvreté s’accroît davantage parmi les chômeurs, les jeunes de 18 à 29 ans et les familles monoparentales.
Dans ces conditions, que peut-on donc attendre du plan gouvernemental ? Le rapporteur se montre très réaliste à cet égard : « Un plan de lutte ne suffira jamais à faire reculer la pauvreté. Il permettra d’aider les personnes en difficulté, d’atténuer les problèmes de pauvreté monétaire, d’aider à l’accès aux droits sociaux, d’anticiper les reproductions sociales, d’où l’importance de l’action sur la petite enfance. … Seules les politiques économiques et sociales peuvent agir profondément sur la pauvreté ».
Un calendrier et des engagements globalement tenus
Selon l’auteur du rapport, l’essentiel des objectifs 2013 ont été respectés. Le revenu de solidarité active [RSA-socle] a été réévalué de 2% en septembre. Les plafonds d’accès à la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire ou à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ont été relevés. Les aides aux familles les plus pauvres, l’expérimentation de la garantie jeunes, l’allongement de la durée des contrats aidés ont été déployés selon le calendrier prévu.
Garantie jeunes : une montée en puissance progressive aux termes de l’expérimentation
La « garantie jeunes » dédiée aux moins de 25 ans, ni en emploi ni en formation, a fait l’objet de certaines critiques, notamment du côté des associations. Le dispositif n’est-il pas sous doté par rapport aux besoins avérés ? Le dispositif est nouveau et ses cibles sont par définition difficiles à contacter et sensibiliser. Le travail d’accompagnement confié aux missions locales requiert du temps. Pour l’instant, il n’y a eu que quelques centaines de contrats signés, mais le dispositif devrait désormais, selon le rapport, « monter en puissance et tenir l’objectif gouvernemental de 10.000 bénéficiaires en 2014 et 30.000 en 2015 ».
La fusion du RSA et de la prime pour l’emploi toujours en attente
La prime pour l’emploi est gelée depuis 2008 et la situation des travailleurs pauvres s’en ressent. Une fusion du RSA activité (complément aux petits salaires) et de la prime pour l’emploi, préconisée dans un rapport parlementaire datant de juillet, n’a toujours pas été réalisée. Le gouvernement étudie désormais la possibilité d’effectuer cette réforme dans le cadre de la remise à plat de la fiscalité. Les associations demandent « un calendrier d’action précis » concernant la réforme du soutien aux travailleurs modestes ; et le gouvernement devra rendre un arbitrage rapide sur cette question.
Inquiétudes sur l’hébergement d’urgence
En dépit de 9.000 places supplémentaires créées cette année, la situation de l’hébergement d’urgence reste très tendue « du fait de la crise qui met de plus en plus de gens dehors, mais surtout de notre système de demande d’asile qui fonctionne mal ». En effet, les demandeurs d’asile qui n’ont pas droit au logement social saturent le dispositif. De plus, tous les territoires semblent avoir atteint aujourd’hui le seuil critique.
La gestion saisonnière ne constitue à l’évidence pas une solution pérenne ; et les associations somment maintenant le gouvernement d’apporter des réponses structurelles à ce problème, qui passe sans doute par de nouvelles procédures de régularisation.
Logement : des besoins confirmés
Dans ce secteur, deux points noirs sont mis en exergue par le rapport. D’une part, le report de l’augmentation des allocations logement, qui se fera le 1er octobre 2014 au lieu du 1er janvier 2014. D’autre part, le relogement par l’État des ménages reconnus prioritaires au titre de la loi DALO (droit au logement opposable).
Accès aux droits : l’impératif de la simplification
Constatant un phénomène important de « non-recours » aux prestations sociales, le rapport regrette « la timidité des campagnes de communication engagées » pour promouvoir les droits sociaux ; et il suggère d’automatiser l’accès à certaines prestations, notamment l’ACS (complémentaire santé) pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ex-minimum vieillesse). Le rapport met en cause la « complexité du système administratif » et demande des mesures rapides et profondes de simplification.
Commentant son travail et l’état des lieux plutôt encourageant dressé par le rapport quant à l’engagement des mesures prévues, François Chérèque met préventivement en garde contre toute forme de relâchement : « Le plan est certes prévu pour 5 ans… Mais même en cas de reprise économique, il ne faudra pas relâcher les efforts, car une partie de la population ne verra pas sa situation s’améliorer ».
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