Le quartier des Vernes à Givors : un modèle de rénovation urbaine

À Givors, le quartier des Vernes, historiquement isolé et marqué par une forte concentration de logements sociaux, entame une transformation majeure. Grâce à un projet de rénovation urbaine ambitieux soutenu par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Métropole de Lyon, et la ville de Givors, ce territoire de 3 300 habitants est en passe de devenir un modèle de modernisation urbaine et sociale. Rénovation des logements, aménagement des espaces publics, création d’une ferme urbaine, et renforcement des connexions avec le reste de la ville : cette démarche vise à améliorer le quotidien des habitants tout en redonnant au quartier une place centrale dans la dynamique de la commune.

Pourquoi ?

Le quartier des Vernes incarne à lui seul les défis complexes auxquels font face de nombreux territoires urbains prioritaires en France. Construit dans les années 1960-1970, il a vu le jour dans une période de forte urbanisation, répondant à une demande massive de logements. À cette époque, les grands ensembles comme les Vernes étaient censés symboliser la modernité et fournir une solution rapide à la crise du logement. Cependant, cette urbanisation rapide, réalisée sans réelle intégration au tissu urbain environnant, a contribué à isoler le quartier, tant sur le plan géographique que social.

Avec une concentration de près de 90 % de logements sociaux à loyers très bas (PLAI), les Vernes ont progressivement accueilli une population à faibles revenus, souvent vulnérable, ce qui a entraîné une stigmatisation du quartier. Cette homogénéité sociale a freiné le développement d’une mixité résidentielle indispensable pour dynamiser le territoire. De plus, les infrastructures vieillissantes, comme le centre commercial et les espaces publics, n’ont pas été adaptées aux besoins changeants des habitants au fil des décennies. Les rares interventions urbaines précédentes, comme les démolitions des années 2000, ont laissé le quartier dans un état partiellement dégradé, renforçant le sentiment d’abandon et d’injustice ressenti par les résidents.

Aujourd’hui, ce projet de transformation est déterminant pour redonner vie aux Vernes. Il ne s’agit pas simplement de rénover des bâtiments, mais de réinventer un quartier tout entier pour qu’il soit mieux intégré à la ville, attractif, et capable de répondre aux aspirations des habitants. Les enjeux sont multiples : offrir des parcours résidentiels adaptés, améliorer l’accès aux services, désenclaver le quartier, et redorer son image pour en faire un lieu où il fait bon vivre. Ce projet vise à répondre à des défis économiques, sociaux, et environnementaux tout en réparant les blessures d’un passé marqué par des projets inachevés.

Comment ?

La rénovation du quartier des Vernes est le fruit d’une collaboration étroite entre plusieurs acteurs institutionnels, dont l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Métropole de Lyon, la Ville de Givors, et les bailleurs sociaux comme Alliade Habitat et Lyon Métropole Habitat. Ce partenariat a permis de mobiliser un budget ambitieux de 50 millions d’euros, alloué à un large éventail d’actions destinées à transformer profondément le quartier.

Un des axes centraux de cette rénovation est la diversification de l’offre de logements. Cela inclut la démolition de 192 logements vétustes, la réhabilitation thermique et structurelle de près de 200 logements sociaux, et la construction de nouveaux habitats, notamment en accession à la propriété. Cette diversification vise à créer une mixité sociale durable en offrant aux habitants des parcours résidentiels adaptés à leurs besoins et aspirations. L’idée est de permettre à ceux qui le souhaitent de rester dans leur quartier tout en évoluant dans leur cadre de vie.

Parallèlement, le projet met l’accent sur la modernisation des infrastructures existantes. Le centre commercial, véritable cœur du quartier, est en cours de transformation pour devenir un espace multifonctionnel regroupant commerces, services publics municipaux et métropolitains, et peut-être même une agence postale communale. La place Charles de Gaulle, adjacente, sera entièrement réaménagée pour en faire un lieu de convivialité et d’échanges.

Des initiatives environnementales viennent enrichir ce projet, notamment avec la création d’une ferme urbaine et de jardins partagés. Ces espaces verts ne sont pas seulement destinés à embellir le quartier, mais également à répondre aux besoins en alimentation locale et à favoriser le lien social. En outre, des travaux de désenclavement sont prévus pour améliorer les connexions entre le quartier et le reste de Givors, à travers des cheminements sécurisés et adaptés aux mobilités douces. Enfin, des actions de concertation et d’accompagnement des habitants ont été mises en place pour garantir que ce projet réponde aux attentes locales tout en créant un sentiment d’appropriation collective.

Quel bilan ? 

Bien que le projet soit encore en pleine phase de réalisation, les avancées déjà constatées permettent d’entrevoir l’impact transformateur qu’il aura sur le quartier des Vernes et ses habitants. Sur le plan environnemental, la création d’une ferme urbaine et de jardins partagés représente une étape marquante. Ces espaces, gérés par un collectif d’habitants, favorisent une agriculture locale et accessible, tout en offrant un lieu de rencontre et d’échanges. Ils incarnent également une réponse directe à l’absence de supermarché dans le quartier, en fournissant des produits frais à des prix adaptés au pouvoir d’achat local.

Sur le plan résidentiel, les relogements nécessaires pour les démolitions et les rénovations lourdes sont en cours, marquant le début d’une transformation physique du quartier. Les nouvelles constructions, incluant des logements en accession à la propriété, permettront de diversifier la population et d’offrir des parcours résidentiels jusque-là inaccessibles. En parallèle, la réhabilitation thermique des logements existants vise à améliorer le confort des résidents tout en réduisant leurs factures énergétiques, un levier important pour le pouvoir d’achat.

Du côté des infrastructures, le centre commercial est en pleine mutation pour devenir un pôle moderne regroupant commerces et services publics. Ce projet, couplé à la requalification de la place Charles de Gaulle, transformera le cœur du quartier en un espace attractif et convivial. Enfin, les travaux de désenclavement prévus sur les entrées principales et les cheminements internes contribueront à connecter plus étroitement les Vernes avec le reste de la ville, facilitant ainsi les mobilités et renforçant le sentiment d’appartenance des habitants.

Si le chemin est encore long, les premiers résultats montrent que cette rénovation répond aux attentes des habitants et redonne espoir à un quartier qui a longtemps été laissé en marge. Ce projet, à travers son ampleur et sa diversité d’interventions, constitue une véritable opportunité pour transformer les Vernes en un exemple de modernisation urbaine, sociale, et environnementale.

Quelques visuels du projet

L’interview de Foued Rahmouni, adjoint au maire en charge de la politique de la ville, de l’insertion, de l’économie solidaire et sociale et de la lutte contre les discriminations

Pouvez-vous nous parler de l’historique du quartier des Vernes et des raisons de son isolement au fil des années ?

Le quartier des Vernes a une histoire qui remonte aux années 1960-1970, époque où il a été construit pour répondre aux besoins croissants en logements. Ce quartier, comme d’autres grands ensembles en France, a été édifié rapidement, souvent sur d’anciennes terres agricoles, pour accueillir les familles de travailleurs dans un contexte d’expansion urbaine. Cependant, dès ses débuts, il s’est retrouvé relativement isolé du reste de la ville de Givors. Les infrastructures de transport et les connexions avec le centre-ville étaient limitées, ce qui a accentué le sentiment d’éloignement ressenti par les habitants. Cette situation s’est renforcée avec le temps, notamment en raison de la forte concentration de logements sociaux dans le quartier, ce qui a limité les échanges avec les autres parties de la ville.

Dans les années 2000, une première phase de démolitions dans le cadre de l’ANRU a laissé le quartier en suspens, avec quelques barres d’immeubles démolies, mais sans qu’un projet de réhabilitation d’envergure n’ait été concrétisé. Les habitants ont donc vécu avec le souvenir d’un projet inachevé, qui a créé une certaine méfiance et un sentiment d’abandon. Notre projet actuel de rénovation vise justement à corriger cette situation en prenant en compte l’histoire du quartier et les attentes de ses résidents, afin d’amener une transformation réelle et durable des Vernes, en redonnant aux habitants la fierté de leur lieu de vie et en connectant véritablement ce quartier au reste de Givors.

Quels sont les objectifs prioritaires de la rénovation urbaine du quartier des Vernes ?

L’objectif principal de cette rénovation est de redynamiser le quartier des Vernes et de répondre aux besoins de ses habitants en améliorant le cadre de vie et en intégrant une vraie mixité sociale. Actuellement, le quartier est marqué par une grande concentration de logements sociaux destinés aux ménages aux revenus modestes. Nous avons constaté que cette configuration ne permet pas aux habitants de suivre un parcours résidentiel qui corresponde à leurs aspirations, souvent de rester dans leur quartier tout en accédant à des types de logements différents.

Ce projet vise donc à diversifier l’offre résidentielle en introduisant des logements accessibles à la propriété, tout en préservant des options locatives adaptées aux revenus modestes. Un autre objectif crucial est de reconnecter les Vernes avec le reste de Givors et d’en faire un espace accessible et intégré. Cette transformation s’accompagne d’une modernisation des infrastructures publiques, d’améliorations des espaces de circulation, ainsi que d’une rénovation des équipements et des services de proximité. Notre but est de répondre aux attentes des habitants pour qu’ils se sentent soutenus et fiers de leur quartier.

Quelle est la place des habitants dans ce projet ?

La participation des habitants est essentielle dans un projet de cette ampleur, mais nous avons dû nous adapter au calendrier restreint et à la situation sanitaire liée au Covid-19, qui a limité les grandes rencontres publiques. Nous avons mobilisé les canaux de communication municipaux et collaboré étroitement avec les associations locales, en particulier le centre social, qui est très implanté dans le quartier des Vernes. Cela nous a permis d’avoir des échanges réguliers et directs avec les habitants, notamment à travers des discussions en soirée et les week-ends pour recueillir leurs avis et ajuster les actions.Nous avons aussi pris le temps d’aller à la rencontre des habitants dans leurs lieux de vie pour mieux comprendre leurs besoins et leurs attentes.

Ce mode de concertation plus informel a montré que, même dans des conditions contraignantes, il est possible de rester à l’écoute et de répondre aux préoccupations des résidents. Les retours ont été positifs, bien que certains habitants expriment encore des craintes quant aux délais de réalisation du projet. Nous avons donc un rôle important à jouer pour maintenir cette relation de confiance et informer régulièrement les habitants sur l’avancement des travaux.

Comment va évoluer le centre commercial dans le cadre de cette rénovation ?

Le centre commercial des Vernes, construit dans les années 1970, n’avait jamais été rénové de manière significative jusqu’à présent. Cette structure vieillissante nécessitait une modernisation importante pour répondre aux attentes des résidents et offrir un cadre plus attractif pour les commerces et services. Nous avons travaillé individuellement avec chaque commerçant pour trouver des solutions adaptées en termes d’aménagements, de surface et de gestion des fermetures temporaires dues aux travaux. L’objectif est de maintenir tous les commerçants actuels et de leur offrir des conditions favorables pour qu’ils continuent d’opérer dans le quartier.

De plus, nous allons étendre l’offre de services publics à travers une antenne municipale renforcée, avec des services de la Métropole de Lyon. En collaboration avec la Métropole, nous espérons également établir une agence postale communale pour remplacer la poste actuelle, dont les horaires et la qualité de service se sont détériorés. Cette rénovation vise donc à faire du centre commercial un espace accueillant, où commerces et services publics se complètent pour créer une véritable centralité de quartier.

Quelles initiatives environnementales sont intégrées au projet ?

L’un des volets clés de cette rénovation est la création d’une ferme urbaine et de jardins partagés, qui seront inaugurés très prochainement. La ferme urbaine, gérée par un collectif d’habitants, a pour mission de produire des aliments frais et abordables directement accessibles aux résidents du quartier. Elle répond ainsi à un besoin en alimentation de proximité, notamment en l’absence de supermarché dans le quartier.

En complément, nous avons mis en place des parcelles pédagogiques pour les écoles environnantes, afin de sensibiliser les plus jeunes à l’agriculture et aux enjeux environnementaux. Un autre espace, appelé la Roseraie, sera dédié à la détente et à la biodiversité, avec des zones de jardin contemplatif, des espaces ombragés pour les périodes de chaleur et des parcelles de jardin partagé. Ce projet « Quartier Fertile » incarne notre volonté de créer un lien entre l’agriculture urbaine, la santé, et le bien-être des résidents.

Comment le projet aborde-t-il le désenclavement du quartier des Vernes ?

Le désenclavement du quartier est un enjeu fondamental pour permettre aux habitants de se déplacer facilement et en sécurité, tout en renforçant les liens entre les Vernes et le reste de la ville. Actuellement, les accès au quartier sont restreints et peu adaptés aux mobilités douces, rendant difficile l’accès aux équipements voisins, comme l’hôpital, la caserne de pompiers, et la cité des sports. Nous travaillons sur des solutions pour améliorer les cheminements piétons et sécuriser les voies pour les cyclistes.

Un exemple concret est l’aménagement de passages sécurisés reliant le quartier des Vernes au lycée polyvalent, situé à l’ouest du quartier, afin de faciliter les déplacements des lycéens qui fréquentent ce quartier pendant leurs pauses. L’enjeu est de rendre ces trajets plus fluides et sécurisants, en particulier pour les familles avec enfants. De plus, des aménagements paysagers et des points de rencontre sont prévus pour que le quartier devienne un espace de circulation agréable et inclusif.

Quelles sont les prochaines étapes de cette transformation urbaine ?

L’inauguration de la ferme urbaine sera un premier événement marquant. Ensuite, nous entrerons dans une phase de relogement progressif pour permettre les travaux de réhabilitation lourde sur les résidences. Ces réhabilitations comprendront l’amélioration des performances énergétiques des logements, ainsi que la rénovation complète de certaines structures pour en faire, par exemple, des résidences adaptées aux personnes âgées.

Le chantier de rénovation du centre commercial devrait se terminer d’ici le second semestre 2025, suivi des aménagements de la place Charles de Gaulle, qui deviendra un véritable lieu de vie pour les habitants. Enfin, nous travaillerons en partenariat avec la Métropole de Lyon pour finaliser l’ensemble des infrastructures de connexion entre le quartier et le reste de la ville, afin d’assurer la pérennité et l’accessibilité des Vernes à long terme. Ce projet est ambitieux et nous restons engagés à chaque étape pour que les habitants voient les changements concrets dans leur vie quotidienne.

 

Fiche d'identité de la communeLe projet en chiffresPour aller plus loin
  • Nom : Givors
  • Département : Rhône
  • Région : Auvergne-Rhône-Alpes
  • Population : 20 654 habitants
  • Maire : Mohamed Boudjellaba
  • Site internet : Site de la ville
  • 50 millions d’euros mobilisés pour la transformation du quartier, incluant les contributions de l’ANRU, de la Métropole de Lyon, de la Ville de Givors, et des bailleurs sociaux
  • 192 logements sociaux vétustes seront démolis pour laisser place à de nouvelles constructions adaptées aux besoins des habitants
  • 197 logements sociaux bénéficieront d’une réhabilitation thermique et structurelle pour améliorer le confort des résidents et réduire leur facture énergétique
  • 100 logements neufs prévus dans le cadre des nouvelles constructions, incluant des options en accession à la propriété pour favoriser la mixité sociale
  • 1 hectare prévu pour la ferme urbaine créée dans le quartier, destinée à produire une alimentation locale, accessible, et à renforcer le lien social
  • 19,77 millions d’euros de contribution spécifique de l’ANRU, dont une part est dédiée aux initiatives comme Quartiers Fertiles ou d’autres projets environnementaux
Publié dans :