Sécurité, prévention, justice : Les grandes orientations et les zones de sécurité prioritaires
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1. Les contours du programme global sécurité / prévention / justice
Sur la sécurité et la justice en général, et les zones prioritaires de sécurité en particulier, le chef de l’Etat s’est exprimé dans son discours du Bourget, ainsi qu’à plusieurs reprises pendant la campagne électorale. Revue de propositions sur les sujets intéressant Ville et Banlieue.
Effectifs
Le chef de l’Etat s’est engagé à créer 5.000 postes en cinq ans (soit 1 000 postes par an) pour la justice, la police et la gendarmerie, des effectifs qui devraient se voir concentrés d’abord dans des « zones de sécurité prioritaires ». Au-delà de l’affectation de ces 5 000 nouveaux postes, Ville et Banlieue appelle à une meilleure répartition de l’ensemble des effectifs sur le territoire national, donc à un redéploiement des effectifs actuels sur la base de critères objectifs d’insécurité. Car les inégalités de sécurité sont aussi le fruit d’une répartition inéquitable des policiers, qui en nombre par habitant, sont souvent plus nombreux dans la ville centre qu’en banlieues.
Manuels Valls, Ministre de l’Intérieur, a également promis de suspendre la RGPP dans la police et la gendarmerie. De ce point de vue, il a précisé qu’il entendait « stopper l’hémorragie chez les gradés et les gardiens de la paix », ce que réclame aussi l’association.
Police et population
S’exprimant sur la philosophie des zones prioritaires de sécurité, le ministre a évoqué un nécessaire « rapprochement entre police et population ». Au passage, il a rappelé la nécessité pour les policiers d’être « irréprochables » et a déclaré qu’il était personnellement « contre l’utilisation du tutoiement » lors des contrôles et des interventions de police.
Sur ce point, rappelons que Ville et Banlieue milite pour que les policiers et gendarmes soient mieux formés à l’intervention et au travail dans ces quartiers, notamment en ce qui concerne le rapport aux jeunes.
Délinquance des mineurs
Sans commenter la volonté de la ministre de la Justice Christiane Taubira de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs et précisant d’emblée qu’il ne jouerait pas de l’opposition avec le ministre de la Justice, Manuel Valls a annoncé son souhait de créer prochainement des « commissions de travail police-justice » sur la délinquance des mineurs, pour s’attaquer au fond d’un problème difficile.
Parmi les mesures annoncées dans le cadre de la campagne présidentielle : le projet de « doubler le nombre de Centres Educatifs Fermés pour mineurs délinquants » ; et la volonté « d’accorder plus de moyens aux établissements de placement éducatif ».
Vidéosurveillance
Le ministre s’est dit « favorable » à l’utilisation de la vidéosurveillance, qu’il a développée à Evry. « Il a dit qu’il fallait penser à la complémentarité et mener une large réflexion sur la vidéo-protection, la police municipale et la sécurité privée » ajoute un policier. L’accord semble pouvoir se faire entre le ministre et les organisations professionnelles sur l’idée que la vidéo peut être utile mais ne peut tout résoudre. Surtout qu’il faut des gens derrière les écrans pour qu’elle soit efficace, avec les coûts que cela représente. Cela rejoint la position de l’association qui considère que la vidéosurveillance est un outil au service des maires, mais qu’elle n’est pas LA solution. Elle s’inscrit nécessairement dans le cadre d’une politique locale de sécurité. Elle doit être utilisée en tant que de besoin, c’est-à-dire adaptée aux réalités locales de la délinquance, et dans le strict respect de la protection des libertés individuelles. Elle ne saurait en aucun cas constituer la solution, une politique de sécurité à part entière, ou un substitut à la nécessaire présence humaine.
Peines et sanctions
Trois mesures figurent au programme de campagne du candidat Hollande : la suppression des peines plancher, appliquées depuis 2007 aux récidivistes et étendues en 2011 aux auteurs de certains délits de violences aggravées ; le « maintien de toutes les peines prononcées », y compris par le biais d’alternatives à l’incarcération (bracelet électronique par ex.) pour les courtes peines ; une circulaire enfin contre les délits de faciès lors des contrôles d’identité.
Chiffres et résultats
Le ministre de l’Intérieur a aussi abordé la question de la politique du chiffre et s’est positionné « contre, comme il s’est positionné contre le chiffre unique de la délinquance et pour la suppression des objectifs chiffrés par type d’interpellation » rapporte encore un visiteur, ajoutant que le ministre avait tout de même précisé que « la police doit avoir les moyens de connaître ses résultats ».
Renseignement
Le Chef de l’Etat a déclaré vouloir « engager une vaste réflexion sur le renseignement en France et notamment sur la Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) et les SDIG (Information générale) », créées sous le quinquennat et qui ont mis fin aux Renseignements généraux (RG).
Rupture et continuité
En résumé, Manuel Valls a précisé qu’il « n’était pas là pour tout changer et s’inscrire systématiquement dans la rupture » a retenu un policier, quand un autre rapporte qu’il a dit que « tout de ce qui a été fait ces cinq dernières années n’était pas nécessairement à jeter ».
2. Les zones de sécurité prioritaires
Dans son projet présidentiel, François Hollande a indiqué qu’il mettrait en oeuvre une « nouvelle sécurité de proximité assurée par la police dans nos quartiers et la gendarmerie dans les territoires ruraux », sans rentrer dans le détail. Par ailleurs, il aussi promis des zones de sécurité prioritaires pour amener a paix civile et le droit commun dans les secteurs les mis sous tension par la délinquance et l’insécurité.
Sur cette question des zones de sécurité prioritaires, le nouveau ministre de l’Intérieur s’est encore peu exprimé, se contentant d’affirmer qu’il ne serait « pas question d’une police de proximité à l’ancienne » et qu’il ne faudrait « pas les généraliser immédiatement », qu’il faudrait pour cela en passer par « de nombreux retours d’expériences », indice d’une possible période d’expérimentation.
De fait c’est François Rebsamen, longtemps annoncé Place Beauvau pendant la campagne, qui s’est le plus exprimé sur le sujet pendant et à l’issue du Forum des idées de Créteil sur la sécurité organisé par le PS le 17 novembre 2010, plus récemment dans une interview donnée au « Bien public ». Revue des principaux éléments de propositions.
Une présence « musclée » sur le terrain
Citation de François Rebsamen : « Nous définirons des ‘zones de sécurité prioritaires’ dans lesquelles un traitement curatif préalable sera engagé et qui mobilisera, durant tout le temps nécessaire, les services de répression et de renseignement concernés par la lutte contre l’économie souterraine et les violences urbaines. Il s’agira d’identifier, d’interpeller et de déférer les auteurs de trafics ou de violence qui se sont appropriés le territoire ».
L’intervention programmée des CRS
François Rebsamen a ainsi décrit plus précisément le dispositif : « Des CRS ou des gendarmes mobiles seraient installés de manière pérenne pour sécuriser le quartier… qui pourraient rester un, deux, trois, quatre, cinq mois… s’il le fallait ». Objectif avoué de l’opération : lutter contre les violences urbaines, et accompagner la mise en place de la police de proximité, gourmande en effectifs. Une stratégie proposée par Jean-Pierre Chevènement dans les années 90 et largement mise en place par Nicolas Sarkozy avec une police de proximité réduite à néant… qui a été très mal vécue par les habitants des quartiers et s’est révélée assez onéreuse et contreproductive à moyen terme auprès des populations et compte tenu des moyens engagés. D’où le choix récemment opéré par l’ancien gouvernement d’unités spécifiques : unités territoriales de quartier (UTeQ) puis brigades spéciales de terrain (BST), avec un bilan plus honorable mais discuté.
Combien de zones, choisies sur quelles bases ?
Le 29 novembre 2011, François Rebsamen avait indiqué au Monde que « 100 zones seraient créées »… sur un choix effectué par le Parlement pour éviter la surenchère des élus locaux.
L’objectif paraît à la fois significatif et limité au regard des 750 zones urbaines sensibles, dont le taux de délinquance est environ le double de la moyenne nationale et où 51,1% des habitants jugent l’action de la police inefficace, selon l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP).
Une question de territoire
Si le niveau de délinquance reste très variable d’une ZUS à l’autre, la délinquance enregistrée est plus importante dans les circonscriptions dont dépendent les quartiers difficiles que dans les quartiers difficiles eux-mêmes, notamment pour tout ce qui concerne « la délinquance d’acquisition ». Le dilemme reste donc d’intervenir prioritairement dans les quartiers, qui sont tout de même le théâtre d’un certain nombre de faits de menaces, de violences et de trafics… ou d’intervenir dans les quartiers pavillonnaires ou les centres-villes qui jouxtent les cités, ou ailleurs, où se déroulent d’autres faits de délinquance liés ou non aux réalités des quartiers. Ville et Banlieue entend sur ce point pouvoir exposer ses positions au nouveau ministre.