Un texte bref et fort, compréhensible par tous et systématiquement affiché dans les lieux publics. Telle est la Charte de la laïcité élaborée en 2005 par la mairie de Mainvilliers, un siècle après la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat qui dispose que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Un texte légal séculaire que La Charte mainvilloise de la laïcité vient appuyer notamment pour cadrer les relations entre la municipalité et les associations, à l’heure où le caractère universel de la laïcité, pourtant principe constitutionnel et garant du vivre ensemble à la française, est ébranlé et régulièrement remis en question sur le territoire national.
Pourquoi ?
En 2005, les élus municipaux mainvillois ont en mémoire le centenaire de la loi 1905. Désireux de réaffirmer leur position laïque, de promouvoir la notion de la laïcité au sein de leur commune et d’insister sur le caractère indivisible, laïc, démocratique et social de la République française ils décident de produire un texte de référence à l’échelle municipale. Parce que dans certaines situations concrètes ce n’est pas toujours simple pour un agent public de traiter de façon égale et sans distinction tous les usagers, quelles que soient leurs convictions philosophiques ou religieuses, en faisant preuve d’une stricte neutralité.
Tous les agents de Mainvilliers sont progressivement formés pour adopter les comportements adéquats. C’est le CGET qui, mandaté au niveau national, conçoit et déploie le plan national de formation destiné aux acteurs de terrain de la politique de la ville, de la jeunesse et des sports, afin de les aider à mettre leurs pratiques professionnelles en accord avec le cadre juridique.
Comment ?
Conscients que la laïcité est la pierre angulaire du vivre ensemble, le maire et les élus d’alors sollicitent le Cercle Condorcet pour la rédaction du texte. Ce cercle, qui compte une vingtaine d’antennes réparties sur le territoire métropolitain, est une émanation de la Ligue de l’Enseignement. Un mouvement laïc d’éducation populaire au sein duquel le Cercle Condorcet travaille à la promotion de l’esprit critique, combat la désinformation et affirme des valeurs républicaines. Ses membres invitent les citoyens et particulièrement les plus jeunes à affiner leur réflexion et à participer au débat démocratique de façon constructive. « En choisissant le nom du plus illustre ancêtre de la laïcité, le Cercle Condorcet entend affirmer qu’il s’inspire de l’esprit de l’Encyclopédie et de la Révolution de 1789 pour mener, dans un souci de dialogue et d’ouverture, une recherche approfondie permettant de mieux comprendre notre monde pour infléchir l’avenir qui est en train de se faire » (Acte constitutif du Cercle Condorcet – 1987). En 2005, après un travail de réflexion aux côté de Charles Conte, chargé de mission laïcité à la Ligue de l’ enseignement et administrateur de la Fédération des Œuvres laïques d’Eur-et-Loire, la charte voit le jour. Un document qu’élus et agents du service public s’engagent à respecter et faire respecter. En 2013, Mainvilliers affiche symboliquement la devise Liberté, Egalité, Fraternité dans l’entrée de la Mairie aux côtés de la Charte de la laïcité.
Il était indispensable que le contenu de la charte, qui reprend notamment différents textes légaux, demeure compréhensible par tous et qu’il soit accessible physiquement dans le plus de lieux publics possibles afin de donner vie à cette conception de la laïcité. Son respect est d’ailleurs un impératif dans les conventions signées avec les associations qui sont amenées à recevoir des subventions municipales ou à bénéficier de mise à disposition d’équipements municipaux. Les écoles bien-sûr mais aussi la mairie, les locaux de la police municipale, les équipements sportifs municipaux, la bibliothèque ou encore la salle des fêtes affichent aujourd’hui la Charte.
La laïcité est désormais bien ancrée dans l’ADN de la politique communale mainvilloise. Chaque année en décembre, pour célébrer tout à la fois la loi de 1905 et la Charte de 2005, la municipalité organise des festivités, conférences ou encore expositions. Ainsi en 2017 l’église Saint-Hilaire, la mosquée Assalam et l’Hôtel-de-Ville ont-ils concomitamment organisé des journées portes-ouvertes assorties d’expositions sur le sens de la laïcité. En 2018 s’est tenue une conférence sur la notion de laïcité en Europe, l’occasion d’explorer les différents modèles et la perception de la laïcité sur l’ensemble du continent. Une conférence qui s’est poursuivie par un débat avec la soixantaine de personnes présentes. Ces événements sont depuis quelques années un véritable rendez-vous citoyen annuel mainvillois.
Quel bilan ?
Contrairement à certains territoires qui sont aujourd’hui traversés par des tensions dans l’espace public, les élus mainvillois se félicitent de les avoir évité jusqu’à présent. La municipalité bénéficie encore de cette dynamique puisqu’en mars 2019, une Charte du vivre ensemble à Mainvilliers va voir le jour. Elle a été élaborée en 2018 par du personnel municipal, des habitants et différents partenaires associatifs. Elle s’articule autour de 5 valeurs phares : le respect, l’engagement, la solidarité, les actions intergénérationnelles et la tolérance. Cette dernière valeur découlant naturellement de la notion de laïcité.
Le projet en photos
Interview de Jean-Jacques Chatel, maire de Mainvilliers
1. Quelle a été la réception de la Charte par les habitants ? Celle-ci a-t-elle permis d’apaiser d’éventuelles tensions, de renouveler le modèle social à l’échelle communale ?
Nous n’avons pas fait la charte parce qu’il y avait un problème particulier à Mainvilliers, mais surtout pour rappeler le principe de laïcité, et le décliner au niveau local. Consolider et mieux partager ce qui fait le socle républicain du respect et de la tolérance est primordial, cela permet aussi d’éviter l’éclosion d’éventuels problèmes.
Dans notre démarche, nous avons voulu que l’esprit de laïcité soit renforcé au sein des acteurs associatifs pour faciliter le vivre ensemble. La charte promeut l’ouverture à tous, la liberté de pensée, la lutte contre la discrimination et une meilleure considération pour l’égalité.
2. Est-ce un outil pour les employés municipaux en relation avec les associations ?
Cela ne me semble pas constituer un outil pour les agents municipaux dans leurs relations avec les associations locales. Soucieux de rappeler le principe de la laïcité, nous avons organisé une formation pour les employés communaux sur cette thématique. La charte constitue davantage un outil cadre pour les élus vis-à-vis des associations.
3. Depuis, la Charte mainvilloise a fait école, d’autres communes se sont-elles directement inspirées de votre modèle ?
Les partenaires avec lesquels nous avons élaboré la charte nous ont dit que la démarche enclenchée et la charte mainvilloise avaient fait école dans d’autres communes. Notre démarche a en effet connu un large écho dans les réseaux laïcs. Un certain nombre de communes, telles que les Ulis, Rennes, Toulouse, Saint Gratien, Angers, Besançon se sont à leur tour dotées d’une charte locale. Après, nous ne savons pas dans quelle mesure exactement ils se sont inspirés de la charte mainvilloise, mais d’une certaine manière la démarche initiée ici a fait école.
- Commune : Mainvilliers
- Département : Eure-et-Loir (28)
- Région : Centre – Val de Loire
- Population : 11 323 habitants
- Maire : Jean-Jacques Châtel (PS)
- Site internet : www.ville-mainvilliers.fr
- 33 lieux publics où la Charte est affichée