Ancien maire d’Allonnes (72) et conseiller général de la Sarthe et comptant parmi les membres fondateurs de Ville & Banlieue réunis autour de Jacques Floch fin 1983, Yvon Luby vient de disparaître à 86 ans. L’Association tient ici à saluer sa mémoire.
Humaniste combattant
Yvon Luby savait se faire écouter et respecter, son avis et sa parole comptaient. Dans sa ville bien sûr, au Conseil général, autant qu’à Ville & Banlieue -où il s’était fortement investi dans les questions d’éducation et de culture, de développement économique et de finances locales- auprès de ses adversaires politiques même. Partout, il était reconnu comme un esprit ouvert et tolérant, un homme de conviction et de dialogue au sens plein du terme.
C’était aussi un homme de combats. Militant communiste -«communiste entre guillemets» disait-il avec malice…- iI s’est engagé dès les années 60 pour «plus de justice et d’égalité sociale… afin que la loi de l’argent ne l’emporte pas systématiquement».
Muté à Allonnes, il s’est battu durant plus de 15 ans pour améliorer la desserte de sa commune en transports en commun. Élu maire et découvrant que le rétablissement des comptes publics appauvrirait davantage ses concitoyens, il a, parmi les premiers, eu l’audace de faire voter un budget en déséquilibre pour obtenir reconnaissance et réparation de l’État.
Faiseur de ville
Arrivé à Allonnes en 1962, entré au conseil municipal dans l’opposition en 1971, maire de 1977 à 2008, Yvon Luby a surtout vécu et accompagné la transformation urbaine de sa commune, passée de 5 à 15.000 habitants en une génération. En cinq mandats, il a développé les transports publics, réhabilité les logements de la ZUP, lancé le chantier de la rénovation urbaine, obtenu les moyens d’y construire des équipements -gymnase, lycée d’enseignement général…- et d’y faire venir les entreprises et les emplois. Ainsi, il a œuvré sans relâche pour faire d’Allonnes une vraie ville et lui donner sa place dans l’agglomération. Car Yvon Luby n’était pas un adversaire de l’intercommunalité : de la communauté urbaine du Mans, il voulait faire un véritable espace de développement, partagé et solidaire.
Semeur et passeur de culture(s)
Fils d’instituteur, mari d’institutrice, instituteur lui-même à ses débuts, il croyait à l’école, l’éducation scolaire et populaire, la culture. Il voulait «permettre l’accès de tous à la culture», mais aussi «développer les pratiques culturelles et artistiques» dans sa ville. D’où le théâtre de Chaoué, l’école de musique, l’Excelsior, la Péniche, scène culturelle alternative avant l’heure, permettant aux jeunes artistes de se produire en public. D’où aussi, depuis longtemps déjà, des résidences d’artistes et des ateliers d’arts plastiques, pour changer l’image d’Allonnes et faire de la cité-dortoir une ville de rencontres et de création, une ville qui bouge. Une ambition à laquelle n’aura jamais renoncé celui qu’il avait choisi comme successeur à la tête de l’équipe municipale, Gilles Leproust.
Pionnier de la participation citoyenne
Très tôt, bien avant que l’idée ne commence à s’imposer au monde politique, Yvon Luby a eu la conviction que l’élu local ne doit pas agir seul au nom de la population, mais avec elle et dans un dialogue permanent. Dès les années 80, il a donc co-construit le plan de réhabilitation de la ZUP avec les locataires, en s’appuyant sur les délégués élus de chaque cage d’escalier. Passionné, il ne cessera jamais d’écouter, d’échanger, de chercher à associer les Allonnais. Au point que lui, chez qui la modestie était une seconde nature, disait avec une pointe de fierté : « Je n’ai jamais mené un seul projet concret sans l’accord des habitants ».
Retourné à la mer
Né à Rosnez, dans les Côtes d’Armor, où il était retourné vivre depuis qu’il avait quitté la vie publique en 2011, Yvon Luby aimait passionnément la terre de Bretagne. Le bateau, qu’il n’avait jamais cessé de pratiquer. Et la mer, où selon les mots de Paul Valéry, « l’air immense ouvre et referme le livre ». Puissiez-vous entendre dans son fracas, cher Yvon, notre très fraternel salut.