Des milliers d’élus se sont retrouvés, hier, à Paris. La commune comme institution de proximité dans le vivre-ensemble était au centre des débats, sans occulter la question des moyens financiers.
L’émotion n’est pas feinte. Hier matin, dans l’immense salle du Palais des congrès de la porte Maillot à Paris, plusieurs milliers d’élus venus de tout le pays avaient répondu présents à l’appel de l’Association des maires et présidents d’agglomérations de France (AMF), après le report du congrès annuel pour raison de sécurité. Ceints de leur écharpe tricolore, dans un silence chargé d’émotion, ils ont écouté le président de la République (lire ci-dessous) avant d’entonner la Marseillaise, debout et d’une seule voix.
Un peu plus tôt, invité dans le débat, l’académicien Erik Orsenna avait donné le ton, saluant d’abord Didier Paillard, le maire de Saint-Denis, « qui fait partie de ceux qui tissent de la ville et ravaudent la solidarité » avant de se féliciter « de la vigueur des 36 500 communes » françaises. L’écrivain s’est écrié : « On parle de réduction du nombre de communes, de modernité, mais si le prix est une désertification, je n’en veux pas. » Propos qui soulèvent alors une salve de bravos. Le fil conducteur des débats ne changera pas de coloration, en dépit des diverses sensibilités politiques affirmées. « Nous sommes certes abasourdis par ce qui s’est passé et se passe encore ce matin, note par exemple le maire PCF de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), Gilles Poux. Mais au-delà, nous allons très vite nous remettre au travail ensemble, avec nos populations pour reconstruire du vivre-ensemble. Et pour cela, nous avons besoin d’un service public toujours plus efficace, avec des moyens nécessaires pour bien lutter contre l’échec scolaire, accompagner des familles qui, aujourd’hui, se sentent exclues, pour que chacun soit enfin pris en compte dans notre société, ce qui n’est pas toujours le cas… »
Ce que confirme par exemple Jean-Paul Roth, maire de Rhinau (2 800 habitants) dans le Bas-Rhin, pour qui, « après ces moments d’émotion et d’inquiétude partagés, les baisses de dotations continueront de nous préoccuper ». Olivier Dussopt, député maire (PS) d’Annonay et président de l’Association des petites villes de France (APVF), pense lui aussi que « nous ne pourrons pas faire comme si rien ne s’était passé, mais rapidement la vie démocratique doit reprendre ses droits, et si les questions de société et du comment vivre tous ensemble sont plus que jamais incontournables, le débat sur les baisses de dotations est toujours d’actualité lui aussi ».
« Le pouvoir doit faire confiance
à ses maires »
« Les communes sont au premier rang de la reconquête démocratique et les maires sont investis de la confiance de leurs concitoyens. En conséquence, le pouvoir doit faire confiance à ses maires car les Français leur font confiance », conforte le politologue Pascal Perrineau, invité lui aussi à cette matinée pas ordinaire. Et André Laignel, maire PS d’Issoudun et vice-président de l’AMF, n’en pense pas moins quand il évoque « la place dans la République de chaque commune, c’est une force considérable, la mieux placée pour répondre au plus près des citoyens à leurs inquiétudes, leurs anxiétés, pour éviter un délitement de la société ».
Membres du bureau de l’AMF et de l’Association nationale des élus communistes et républicains (Anecr), Gilles Leproust, maire d’Allonnes (Sarthe) et animateur de l’Association des maires de banlieue, et Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux (Hauts-de-Seine), plaident eux aussi en faveur « de ces acteurs du quotidien que sont les maires sur nos territoires, véritables acteurs de la cohésion nationale ». Puis, au micro, Gilles Leproust estime que « si les annonces présidentielles de renforcement des services de sécurité sont positives, il faut aller plus loin, et doter financièrement les communes pour développer les services jeunesse, les services d’éducation, etc. » Sur un autre chapitre l’élu, dénonce, très applaudi aussi, « l’amalgame que fait le FN avec ses affiches indiquant “Choisissez votre banlieue”, ce qui contribue à stigmatiser toujours plus et à creuser d’insupportables divisions dans la société ».
Et même Gérard Larcher, le droitier président du Sénat, qui tente d’expliquer que « ce n’est ni le lieu ni le moment de débattre des choix financiers », reconnaît que « ces questions ne devront pas être occultées ». Après lui, Anne Hidalgo, la maire PS de la capitale, émue, a décrit des actes terroristes qui ont visé « des quartiers où cohabitent toutes les générations, toutes les langues et toutes les cultures », avant de « saluer les agents municipaux qui, dans toutes les communes de notre pays, sont autant de sentinelles dressées pour défendre et faire grandir la cohésion de la société française ».
Article vu sur :
– http://www.humanite.fr – du 19 novembre 2015