Clichy-sous-Bois sort enfin la tête de l’eau. Cette ville de Seine-Saint-Denis, d’où sont parties les émeutes de 2005, s’enfonçait alors avec sa voisine Montfermeil dans la relégation et la ségrégation.
Dix ans plus tard, elle semble enfin pouvoir connaître un début de normalité. La rénovation urbaine, prévue dès 2004, est passée par là. En dix ans, le visage de cette banlieue s’est métamorphosé, avec un centre-ville entièrement renouvelé, de petits immeubles pimpants, un centre social tout neuf, un collège et deux écoles tout juste sortis de terre, cinq nouveaux squares… Une maison de santé et un centre aquatique viennent d’ouvrir. Les services publics sont revenus. Un commissariat a été livré et une agence de Pôle emploi a vu le jour.
Les politiques avaient aussi promis que la tour Utrillo laisserait place à une « villa Médicis » de banlieue, mais elle est restée dans les cartons. Il n’empêche : quelque 600 millions d’euros ont été investis par l’Etat et les bailleurs pour redonner un peu de vie à une ville qui se mourait. Rarement autant d’argent a été investi dans la rénovation d’une ville. Et depuis l’élection de François Hollande, aucune commune n’a autant bénéficié des attentions officielles : deux visites présidentielles, une de Jean-Marc Ayrault quand il était premier ministre, six déplacements des ministres de la ville successifs !
Sur le plateau – le Haut-Clichy – qui domine la ville, à cheval sur Clichy et Montfermeil, la place du marché a longtemps été un immense chantier. Le plan de rénovation urbaine lancé en 2004, un an avant les émeutes, y a été entièrement consacré. Cette butte, bordée par la forêt de Bondy, concentrait tous les dangers, aux yeux des pouvoirs publics : trafic, délinquance, très grande pauvreté et isolement.
Urgence sociale
En revanche, le Bas-Clichy a dû attendre. Pas d’opération de rénovation urbaine, ou si peu. Seule la copropriété insalubre de La Forestière a été démolie. Le reste – en premier lieu la copropriété dégradée du Chêne-Pointu – est resté en l’état, ou presque. Dans cette partie de Clichy-sous-Bois, les marchands de sommeil ont prospéré, logeant des locataires de plus en plus pauvres, des familles étrangères qui ne trouvaient rien ailleurs. L’état de délabrement saute encore plus aux yeux.
Clichy reste une banlieue très pauvre. Cette commune populaire cumule en effet tous les handicaps : ville la plus pauvre de Seine-Saint-Denis avec un revenu médian de 790 euros et 28 % des allocataires de la Caisse d’allocation familiales qui n’ont que ces aides pour survivre. Le chômage y sévit plus fortement qu’ailleurs, avec un taux de 23 %, supérieur de 11 points à la moyenne régionale ; celui des jeunes est encore plus élevé, à 35 %. Depuis dix ans, le quotidien ne s’est pas amélioré et l’urgence sociale n’a jamais été aussi prégnante.
« Clichy-sous-Bois est une ville qui a encore besoin de l’aide de l’Etat », plaide son maire, le socialiste Olivier Klein. D’autant que les communes mieux dotées des alentours – Les Pavillons-sous-Bois, Coubron, Le Raincy et Livry-Gargan – ne veulent pas entendre parler de solidarité. Décidé au lendemain des émeutes, le prolongement de la ligne 4 du tramway, longtemps bloqué par ces villes peu désireuses de voir la population de Clichy et Montfermeil traverser leur territoire, en est l’illustration la plus patente. Son ouverture est prévue fin 2018, soit avec trois ans de retard. D’ici là, il faudra toujours aux Clichois une heure et demie pour aller à Paris.
Article vu sur :
– http://abonnes.lemonde.fr – du 28 octobre 2015