L’association BANLIEUES D’EUROPE s’arrête…
Message d’au revoir à 4 mains
Chers amis, chers partenaires, chers membres du réseau,
VOILA, C’EST FINI… et ce n’est pas faute d’avoir essayé, d’avoir tout tenté, nous nous sommes battus, nous avons pris les armes mais rien n’y a fait.
Banlieues d’Europe est un grand réseau mais une petite association, comme nous mettions un point d’honneur à le présenter ainsi.
Ce n’est non sans tristesse et émotion que nous rédigeons cette dernière e-lettre qui aura pendant quinze ans révélé plus d’un millier de projets artistiques impliquant les habitants à travers toute l’Europe… une Europe qui ne ressemble pas à celle qui est montrée dans les médias.
Nous tenons à remercier les membres de notre association pour avoir soutenu son activité et son développement pendant tant d’années, tous les partenaires, fidèles ou occasionnels, pour s’être impliqués dans nos actions, les complices et amis pour leur soutien sans faille. Nous pensons également à toutes les personnes qui se sont investies dans le réseau que ce soit à titre bénévole, salarié ou dans le cadre d’une formation, et qui ont forgé l’esprit de Banlieues d’Europe. Qu’elles soient ici remerciées.
L’association Banlieues d’Europe n’existe plus mais ce réseau est avant tout une aventure humaine et nous espérons que les relations tissées au fil des années ne s’arrêteront pas pour autant. Nous tous sommes porteurs de valeurs communes d’ouverture, de partage, de respect, mais également de combat et de résistance.
Nous continuerons à faire vivre ces convictions dans les vastes champs du possible qui s’ouvrent désormais à nous !
Que la force et le courage accompagnent chacun d’entre nous.
Nous espérons garder contact avec vous, pour ce faire voici nos coordonnées à partir d’aujourd’hui.
Amitié.
Myriam Bentoumi & Marjorie Fromentin
Edito :
Dernier message aux 7000 destinataires de l’e-lettre de Banlieues d’Europe
Les membres du Réseau Banlieues d’Europe travaillent ensemble depuis 1989. Le réseau s’est nourri, il s’est agrandi ; de nombreuses personnes s’y sont associées, beaucoup d’organismes y ont œuvré. Ce sont des acteurs désireux de vivre et surtout de progresser dans un monde où la culture est un bien précieux, qu’il appartient à tous les citoyens de partager et de faire fructifier, qu’il ne convient pas de réserver à certains au nom de leur éducation ou simplement d’une tradition sociale inéquitable.
L’inégalité culturelle entre les êtres humains est dénoncée depuis tant de décennies que ce soit dans le combat pour une éducation pour tous, dans celui de l’éducation populaire, dans celui de la démocratie culturelle, dans celui de la création culturelle, pleine et entière, rendue possible par tous.
Mais il semble que l’heure de « la page blanche» [1]soit advenue… C’est la page qu’ont commencé à écrire des décideurs qui restructurent, réorientent leurs institutions.
Certains cherchent sincèrement et avec acharnement de nouvelles voies pour atteindre démocratiquement des objectifs culturels qu’ils constatent ne pas remplir aujourd’hui.
D’autres rêvent d’actions bien définies d’un point de vue technocratique, des processus « surs et fiables », en laissant de côté l’expérimentation menée avec les gens concernés.
Et il y en a qui respectent l’austérité économique instituée en valeur sure – pour certaines couches de la population seulement !-, et qui barrent, éliminent, réduisent parfois même jusqu’à zéro les budgets publics consacrés à la culture et en particulier ceux consacrés à la démocratie culturelle.
Depuis 2014, Banlieues d’Europe s’est vu refuser des subventions européennes qu’elle obtenait auparavant pour son travail de réseautage européen ; comme pour nombre d’acteurs culturels, d’autres subsides ont été soit réduits soit ils font l’objet d’examens administratifs que ne semblent pas aboutir : report de décisions, délais non respectés, information a posteriori.
Contrainte à une gestion à très court terme et au manque de financement, Banlieues d’Europe a été forcée de cesser ses activités en ce mois d’août 2015.
Pour notre Réseau, c’est maintenant l’heure où des milliers de pages sont déchirées.
Ces pages déchirées, ce sont celles qui ont été écrites et enluminées par nos membres et les invités que nous n’avons eu de cesse, pendant vingt-cinq ans, de rencontrer, de donner à connaître et à voir, de mettre en contact, de valoriser. Ces pages, ce sont celles des créations artistiques de simples citoyens de nos quartiers, de nos villes, de nos campagnes qui ont travaillé, créé, exprimé l’utopie par les couleurs, les mots, le mouvement, les formes, les images, les reconfigurations d’espaces publics, la musique, le cinéma, les sons, de nouveaux medias, la convivialité, la rencontre et la diversité culturelle reconnue dans les faits.
Pour reprendre les propos d’Edgar Morin, aujourd’hui en Europe, « à aucun moment, on ne voit la métamorphose, par contre, les processus de décomposition sont là »[2]. Plus que jamais, nous pensons – car nous l’avons vécu et observé -, que les renc ontres artistiques que nous avons organisées ont été sources de métamorphoses positives. Plus que jamais, nous pensons que la reconnaissance sociale et culturelle de chaque individu, par lui-même et par ses concitoyens, se réalise dans sa capacité à s’exprimer dans différents langages artistiques et dans la gratuité de cette expression. Plus que jamais nous sommes fiers de nous être assemblés à vous tous qui constituez ce réseau.
L’association Banlieues d’Europe s’arrête
Que vivent son esprit et les liens merveilleux que ce réseau a créés, qu’ils vivent au-delà des institutions et des subventions, qu’ils vivent au-delà de nos mémoires.
Qu’ils vivent dans le cœur et les rêves des gens : à côté des profits, en dehors des règles définies par le néolibéralisme et les prétendues uniques lois du marché économique.
Qu’ils vivent contre des idéologies massacrantes. Qu’ils vivent encore comme une résistance nourrie des émotions de joie et de bonheur, de révolte, pétrie des espoirs que nous avons touchés de si près pendant ces vingt-cinq années de présence et d’action du Réseau Banlieues d’Europe.
Yvette Lecomte, Présidente de Banlieues d’Europe
[1] Sic. Expression utilisée par un de nos interlocuteurs institutionnels
[2] In Le Soir, L’entretien : « Les politiques suivent un mauvais chemin », 19 août 2015.