« Toute démarche politique doit passer par l’exemplarité » – Jo Spiegel

Le maire de Kingersheim (Haut-Rhin) et auteur de « Et si on prenait – enfin – les électeurs au sérieux » (Temps présent, 2017) s’est fait connaître pour sa pratique de la démocratie participative. Il évoque ici les conséquences sur les collectivités du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique.

Convaincu que « lorsqu’on place l’intérêt général trop haut, on ne voit plus le terrain », l’élu alsacien multiplie les initiatives visant à impliquer les habitants : porte-à-porte pour connaître leurs attentes, conseils participatifs avec tirés au sort, volontaires et personnes directement impliquées dans le projet évoqué… Pour lui, le projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique, actuellement en examen au Parlement, est un premier pas vers un rapprochement entre élus et citoyens.

Que pensez-vous du projet d’interdire les emplois familiaux dans les collectivités ?
Dans ma commune, nous tirons au sort chaque été les jeunes que nous embauchons pour remplacer les agents partis en vacances. Ils sont souvent accompagnés par leurs parents, ce qui montre le poids symbolique dans les familles d’un emploi à la mairie.
Il est donc essentiel que ces postes soient attribués sur des critères objectifs et transparents. En tirant au sort les candidats, nous rompons l’entre-soi entre élus, et nous impliquons les citoyens dans les prises de décision.
L’interdiction des collaborateurs familiaux va évidemment dans le bon sens et pourrait permettre de ré-insuffler de la confiance, souvent défaillante, dans les relations entre élus locaux et habitants.
Toute démarche politique doit passer par l’exemplarité. Le fossé grandissant entre élus locaux et citoyens s’explique aussi par ces passe-droits que s’accordent certains.

Le projet de loi prévoit aussi de remplacer la réserve parlementaire par « un fonds d’action pour les territoires ruraux ». N’est-ce pas une mauvaise nouvelle pour les petites communes à qui cela permettait souvent de débloquer des projets ?
La réserve parlementaire était souvent l’objet d’un saupoudrage électoral, sans véritable logique d’intérêt général. L’usage de ces fonds doit être décidé par l’intermédiaire d’un jury citoyen tiré au sort. C’est d’abord une façon d’impliquer les citoyens et de rappeler aux élus, locaux comme nationaux, qu’ils ne sont pas propriétaires de l’argent public.
C’est tout autant l’occasion de sélectionner des projets qui seront utiles aux territoires et de donner du sens au vote des citoyens. On ne peut plus dire aux Français de venir voter une fois tous les cinq et six ans, pour les législatives et les municipales, sans rendre compte de son action entre deux élections.

Estimez-vous que la fin du non-cumul risque de créer des élus du Palais-Bourbon coupés des réalités locales ?
C’est un faux argument contre le cumul des mandats. Le travail du député est d’écrire la loi et non de gérer une collectivité, a fortiori après la loi « Notre » qui renforce le pouvoir des territoires.
Au contraire, je pense que cette loi est l’occasion de considérer les électeurs comme des acteurs du mandat des parlementaires. Les cinq années qui s’ouvrent devraient permettre de coproduire la loi au niveau local entre habitants et députés, mais également de créer des passerelles avec les autres élus locaux. Le député pourrait organiser des comptes rendus de son action à l’Assemblée devant les citoyens, mais aussi en rencontrant régulièrement les conseillers régionaux et départementaux.
Les députés devront être des animateurs des processus décisionnels. C’est là le véritable enjeu de la législature qui s’ouvre.

Article vu sur :
La Gazette des communes – du 13 juillet 2017

 

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