La prise en charge des pathologies mentales pâtit depuis des années de la paupérisation des structures publiques sanitaires chargées d’y faire face. Or, en quelques mois, plusieurs dispositifs sont venus, dans ce domaine, à la rescousse des professionnels intervenant dans les quartiers de la politique de la ville.
Des enjeux mondiaux
L’organisation mondiale de la santé (OMS) insiste depuis longtemps sur les enjeux de prévention et de prise en charge de la santé mentale des populations. Elle identifie cinq pathologies psychiatriques parmi les dix pathologies les plus préoccupantes pour le XXIème siècle. Elle a donc élaboré un plan d’action pour la santé mentale 2013-2020, au sein duquel elle privilégie trois registres d’intervention pour les pouvoirs publics : les politiques du logement, la sensibilisation et l’action sur les lieux de travail, et aussi l’accompagnement social des personnes âgées.
Enfin, elle souligne les liens réciproques existant entre troubles psychiatriques et précarité.
Une prise de conscience ministérielle et une organisation nationale
La ministre de la santé a donc profité de la Journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre dernier, pour annoncer la création d’un Conseil national de la santé mentale (CNSM) chargé de développer une approche partagée et coordonnée de ces enjeux par l’ensemble des parties prenantes concernées. Ainsi, a déclaré Marisol Touraine, « nous unissons nos forces pour améliorer les réponses aux besoins de la population et garantir des parcours de soins, de réhabilitation et d’accompagnement sans rupture ».
Symbole éloquent : cette nouvelle instance ne sera pas présidée par un psychiatre ou un responsable hospitalier, mais par un sociologue chercheur au CNRS, Alain Erhenberg dont les travaux développent une analyse systémique et sociale de la souffrance psychique, bien placé à ce titre pour mettre en œuvre une approche pluridisciplinaire de ce problème.
Ainsi, le nouveau Conseil national cherchera à coordonner de façon cohérente et transversale les actions entre les acteurs du champ sanitaire et médico-social, ceux du social et de l’insertion et ceux du logement. Il devra enfin s’attaquer aux 4 priorités fixées par le ministère : le bien-être des enfants et des jeunes, la prévention du suicide, le suivi des personnes en situation de précarité et l’élaboration d’outils favorisant l’émergence de projets territoriaux de santé.
Un outil de gouvernance local à l’échelle des territoires communaux et intercommunaux
Simultanément à la mise en place du Conseil national et par une instruction du 30 septembre dernier, la Direction générale de la Santé du ministère des Affaires sociales et de la Santé et le Commissariat général à l’Egalité des Territoires (CGET) se sont associés pour consolider et généraliser les conseils locaux de santé mentale (CLSM) dans les tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ; et ce, en accord avec la mesure décidée par le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015, prévoyant « d’assurer un suivi social et de santé renforcé » dans les quartiers de la politique de la ville. Ce qui constitue un motif de satisfaction pour l’association Élus, santé publique et territoires (ESPT) et offre un instrument fondamental à tous les responsables des territoires appartenant à la géographie prioritaire.
De fait, cette préoccupation n’est pas totalement nouvelle : la DIV (Direction Interministérielle à la Ville) et l’ACSé s’était déjà engagées sur ce terrain ; et le CGET cofinance déjà avec le ministère de la Santé « un programme d’appui au développement des CLSM » qui se sont multipliés depuis 5 ans, passant d’une trentaine d’unités en 2010 à plus de 120 en 2015.
L’avantage majeur des conseils locaux de santé mentale? Ils permettent de coordonner, pour la première fois, à l’échelle de la proximité et au bénéfice des personnes les plus vulnérables se trouvant dans des situations complexes, l’ensemble des acteurs et des moyens dans une approche globale, à la fois sanitaire et sociale.
Une thématique à privilégier : le logement
76% des CLSM se sont emparés de la question sous les deux angles complémentaires, de l’accès au logement et du maintien à domicile des personnes en souffrance psychique.
Des villes comme Suresnes ou Nanterre (92) ont ainsi développé des formations à l’intention des gardiens d’immeubles pour leur permettre d’identifier les personnes psychiquement vulnérables, afin de pouvoir leur venir en aide.
Plaine commune Habitat a fait de même dans le cadre d’un partenariat entre l’office HLM, l’établissement public de santé Ville-Evrard et la ville de Saint-Denis : puisque cet organisme HLM a développé un programme pluri-professionnel « Logement et santé mentale » ayant permis d’aider déjà plus de 80 personnes en s’appuyant sur une plateforme de professionnels comportant psychiatres, infirmiers, travailleurs sociaux et médiateurs associatifs.
On l’a enfin compris : dans les QPV plus que partout ailleurs, la réponse aux troubles mentaux sera collective, interinstitutionnelle et interdisciplinaire.
A lire aussi :
– Les offices publics de l’habitat logent les gens modestes, et un peu plus encore. Par Valérie Liquet. Localtis du 25 octobre 2016
– Santé mentale : un Conseil national lancé par Marisol Touraine. Par Alexandra Bresson. Santé magazine du 11 octobre 2016