Le 17 juillet dernier une délégation de Ville et Banlieue a été reçue pendant plus d’une heure à Matignon par les conseillers du Premier ministre chargés du développement durable, du logement et de la ville. Un climat d’écoute et de franchise, des échanges de bon augure marqués par la volonté partagée de parvenir à des solutions justes et pérennes pour les villes de banlieue en difficulté. Retour sur les temps forts de la discussion.
Grande vitesse pour la politique du Logement, long terme pour celle de la Ville
Au pôle Développement durable du cabinet de Jean-Marc Ayrault, on assume pleinement que les politiques gouvernementales suivent des rythmes différenciés. Autant l’on a voulu prendre tambour battant, avec Cécile Duflot, ministre du logement, des mesures fortes et rapides dans ce domaine – plafonnement des loyers, mobilisation du foncier de l’Etat pour le logement public et privé – autant l’on souhaite réfléchir encore avant d’engager avec François Lamy, ministre délégué à la ville, un programme d’actions pluriannuel en faveur des territoires prioritaires.
Réforme de la loi SRU : à la recherche de l’efficacité
Devant les difficultés des couches populaires à se loger décemment et l’égoïsme des villes ayant préféré payer des pénalités plutôt que de construire du logement social, Ville et Banlieue – représentée par Renaud Gauquelin, maire de Rillieux-la-Pape, président, Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, 1ère vice-présidente et Damien Carême, maire de Grande-Synthe, secrétaire général – a rappelé les principales positions exprimées au cours de la campagne présidentielle : taux plancher de 40% de logement social par opération (dont 75% de PLAI), indexation des pénalités sur le coût de construction réel d’un logement social sur le site concerné, exercice du droit de préemption urbain par les préfets à l’égard des communes défaillantes. Au cours de la discussion, les élus ont insisté sur la nécessité absolue de sortir les PLS du logement social ou de minorer leur poids dans le comptage des logements sociaux… Et ils ont demandé que les prochaines mesures prises par le gouvernement favorisent la mixité résidentielle des communes les plus populaires.
De leur côté, les conseillers du Premier ministre ont dit rechercher « un dispositif simple et clair », qui amplifie et accélère la réalisation de logement social « là où les besoins sont les plus forts et non de façon aveugle », « sans pénaliser ceux qui ont fait le plus d’efforts pour atteindre les 20% »…
D’où une action probablement centrée sur « les zones les plus tendues » des territoires, et une réflexion en cours sur le relèvement possible du plafond des amendes acquittées par les villes (aujourd’hui bloquées à 5% du budget communal).
Dalo : ne pas aggraver la situation des villes qui logent déjà les plus défavorisés
Sur ce chapitre, il semble que la situation dépende beaucoup de la « compréhension » des préfets… De fait, elle dépend aussi de la bonne compréhension de la situation et de l’action de nos villes au plus haut niveau de l’Etat. Les élus de Ville et Banlieue ont donc rappelé que la population-cible du DALO se trouve déjà très majoritairement logée dans les communes de banlieues, que les maires ont multiplié les initiatives pour réduire au maximum le nombre d’expulsions pratiquées chez elles, et qu’elles assument déjà sur leur budget social les impayés des familles en difficulté. Bref, que les communes de banlieues jouent déjà pleinement et depuis longtemps, le jeu de la solidarité.
Géographie prioritaire, politique contractuelle : engager les agglomérations sans déposséder les maires
Sur la réforme de la politique de la ville, le conseiller du Premier ministre a affiché une volonté très claire : « arrêter le saupoudrage, refondre et simplifier la géographie prioritaire, sortir du traitement social de la ville, favoriser une cohérence d’agglomération… ».
Si les élus de Ville et Banlieue se sont sentis en phase avec cette volonté de changer d’échelle, avec l’idée d’une solidarité par l’aménagement du territoire et le principe d’une « contractualisation redéfinie avec les élus de terrain », il ont refusé de voir la réforme privilégier le niveau intercommunal et « raisonner essentiellement au niveau des agglomérations ». Damien Carême a dit sa crainte de voir « les maires de banlieue dépossédés et remis à la seule bonne volonté des présidents d’agglomération ». Et Renaud Gauquelin a reconnu que les exemples lyonnais ou rennais constituaient encore de notables exceptions : « Il ne suffit pas, a-t-il dit, que les agglomérations soient signataires des nouveaux contrats de ville… il faut les contraindre à être partout solidaires de nos communes, et à prendre toute leur part » du développement social urbain de nos territoires.
Au-delà de la formule sybiline du couple « ville/agglomération » ou du binôme « maire/président d’agglomération », l’accord s’est fait sur la nécessité de « concentrer », à toutes les échelles de territoires, les moyens des collectivités sur les territoires les plus en difficulté, et sur « l’obligation » à faire aux agglomérations de flécher leurs politiques sur ces territoires.
D’accord pour mobiliser fortement le droit commun
Dernier point abordé au cours de cet échange : l’éducation. Si une réflexion est aujourd’hui engagée sur l’avenir des RASED, Matignon semble encore hésiter sur la décision à prendre. De notre côté, nous avons insisté sur la nécessité de combiner soutien individuel auprès des enfants en difficulté personnelle et scolaire, et soutien aux établissements, aux classes et aux enseignants accueillant les élèves les plus vulnérables. Nous avons demandé, avec Catherine Arenou, une poursuite des programmes de réussite éducative, unanimement salués comme un succès par les trois élus présents. Et demandé un rééquilibrage global du droit commun de l’Education nationale en faveur des territoires périphériques des agglomérations, là où se trouvent les enfants les plus exposés à l’échec et au décrochage scolaire.
Ville et Banlieue ne peut que se réjouir d’avoir été entendue sur ce point crucial ; de voir les services du Premier ministre résolus à « faire plus au titre du droit commun » et « cesser d’utiliser les crédits spécifiques de la politique de la ville en substitution » des politiques de droit commun défaillantes.